CorruptionBulgarie: les manifestants maintiennent la pression
Des milliers de manifestants anti-corruption ont protesté une fois de plus à Sofia lundi soir. Sous pression, le dirigeant Boïko Borissov refuse de démissionner.

Une vague de manifestations contre la corruption secoue la Bulgarie et fragilise le dirigeant Boïko Borissov, inamovible depuis une décennie, dont les opposants critiquent les accommodements avec un maillage d’oligarques omniprésents dans le pays le plus pauvre de l’UE. Au moins 5000 personnes, selon l’AFP, ont de nouveau convergé lundi soir dans le centre de Sofia.
Depuis la semaine dernière, une foule disparate mêlant opposition de droite, de gauche et citoyens se disant apolitiques, a réussi à mobiliser quotidiennement jusqu’à 10’000 personnes, selon les estimations de médias bulgares. La participation est significative pour ce pays de 7 millions d’habitants qui n’avait pas connu pareil mouvement depuis longtemps.
Le Premier ministre conservateur Boïko Borissov, lui, en a vu d’autres, après plus de dix années quasiment ininterrompues au pouvoir qui l’ont vu démissionner deux fois, en 2013 et 2016, pour revenir à la tête du gouvernement quelques mois plus tard. Cette longévité nourrit la frustration de l’opposition et le sentiment de sclérose d’un système où les intérêts politiques et économiques sont étroitement liés.
Treize ans après son entrée dans l’Union européenne, la Bulgarie est le pays de l’UE le plus touché par la corruption, selon l’ONG Transparency International. «J’ai participé aux manifestations qui ont renversé le premier gouvernement Borissov, puis à celles qui ont renversé Plamen Orecharski (son successeur) un an plus tard. Sept ans se sont écoulés, rien n’a changé», a confié à l’AFP Plamen Stamov, un électricien de 37 ans qui participe aux manifestations.
Scandales à la chaîne
«À écouter Borissov et les médias, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais les scandales n’en finissent pas et nous sommes toujours les plus pauvres de l’Union européenne», s’indigne Elena Radoulova, 34 ans, mère de deux enfants.
Deux événements ont mis le feu aux poudres: une perquisition jeudi dans les bureaux de deux conseillers du président Roumen Radev, proche des socialistes et très critique à l’égard du gouvernement, puis la révélation d’avantages indus octroyés à un puissant et controversé soutien du Premier ministre, ancien chef du parti de la minorité turque (MDL). Ce dernier, Ahmed Dogan, a carrément vu débarquer, en bateau, sur la plage de la mer Noire qu’il s’est accaparée au pied de sa villa, un groupe de protestataires décidés à dénoncer ses privilèges.
Ces dossiers troubles se sont ajoutés à une série de scandales ayant touché les cercles du pouvoir: enquête sur des fraudes aux fonds européens, transactions immobilières douteuses ayant bénéficié à des proches de la majorité, ministre et vice-ministre de l’Environnement mis en examen.
Dans ce contexte, un ancien magnat des jeux de hasard, Vassil Bojkov, poursuivi pour 18 chefs d’accusations en Bulgarie et réfugié à Dubai, s’est juré de faire tomber le Premier ministre auquel il assure avoir versé des millions d’euros de pots-de-vin.
Boïko Borissov, un ancien pompier reconverti dans la sécurité après la fin du communisme, assure qu’il ne démissionnera pas, soulignant que les affaires qui ont ponctué son dernier mandat témoignent au contraire de l’indépendance de la justice.
Les États-Unis ont cependant donné raison aux protestataires. «Nous soutenons le peuple bulgare dans sa quête pour accroître la confiance dans le système démocratique et promouvoir l’État de droit en Bulgarie. Personne n’est au-dessus des lois», a souligné l’ambassade dans une déclaration lundi soir.
Gauche en reconstruction
«L’épidémie de Covid-19, la crise économique, le stress psychologique qu’elles entraînent» ont favorisé le déclenchement des protestations, analyse Ulf Brunnbauer, universitaire autrichien spécialiste de l’Europe orientale.
Ce ras-le-bol intervient sur fond de lutte de pouvoir entre plusieurs clans d’hommes d’affaires bulgares, «représentant des intérêts mafieux qui contrôlent le pays» et auxquels «se conforme» le Premier ministre, analyse le politologue Ognian Mintchev.
Après plusieurs années de cohabitation tendue, le chef de l’État Roumen Radev s’est rangé aux côtés des manifestants, dénonçant ce week-end «le caractère mafieux» du gouvernement.
Les socialistes – héritiers du parti communiste — ont gouverné à deux reprises depuis la transition démocratique en 1989 et sont «leurs pires ennemis», note cependant le politologue Andrei Raïtchev. Ils ont à chaque fois dû quitter le pouvoir sous la pression de la rue, sur fond de graves crises marquées par des faillites bancaires. Avant le début de la contestation, le parti conservateur de Boïko Borissov (Gerb), dont le mandat court jusqu’au printemps 2021, avait une avance de plus de dix points dans les sondages.
AFP/NXP
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