Performance«Bref alignement», avis de vent fort et brassée d’ondes positives sur le Léman
Près de 250 bateaux ont joué le jeu dimanche, s’alignant pour une performance matérialisant la frontière franco-suisse.
Un peu avant midi, une grosse averse s’est abattue sur Genève. Et on a craint le pire. Sauf que vers 13 heures, il n’y paraissait déjà plus. Une éclaircie signifiait l’embellie. Accalmie suffisamment rassurante pour se glisser jusqu’à Morges, dans l’espoir d’être aux premières loges de ce «Bref alignement», événement lémanique du week-end, performance destinée à matérialiser la frontière invisible entre deux pays traversant le lac dans une grande partie de sa longueur, de Saint-Gingolph à Hermance, le tout d’après un tableau de Ferdinand Hodler.
À Morges, on a vu des tulipes, beaucoup et de toutes les couleurs. Des bateaux également. Depuis la gare, une dizaine de minutes nous conduisent au port du château, l’un des trois de la commune, sans doute le plus connu. La plupart des voiliers et autres embarcations participantes, une vingtaine depuis Morges, sont déjà partis, certains depuis plus d’une heure. Au loin, la ligne commence à prendre forme, mais la distinguer demeure difficile. Aurait-on mieux vu les choses depuis Versoix, Port-Choiseul, Saint-Gingolph, Lutry, Hermance ou Lavaux? Pas évident, tant l’expérience requiert une forme d’ubiquité que seuls les navigateurs peuvent avoir. Et encore…
Apéro et tir de canon
Au sol, les organisateurs de l’événement communiquent par WhatsApp. Parfaitement logique. Des badauds observent. On nous dit que les plus endurants sont grimpés sur les hauteurs munis de jumelles. On réalise surtout à quel point le lac Léman est vaste. La ligne de frontière franco-suisse, pour tout imaginaire qu’elle soit, demeure loin du rivage. Peu perceptible à l’œil nu. L’alignement durera en revanche plus longtemps que prévu. Presque une demi-heure. L’ensemble des navigateurs ont fêté cela en prenant un apéro sur leurs bateaux. Un tir de canon s’est fait entendre. Et malgré quelques nuages menaçants sur le Jura, ceux-ci ne sont pas venus tout gâcher et disperser les troupes.
Quelques abandons
Dans les ports, la réalité était semble-t-il plus nuancée. «Nous avons eu tous les temps possibles, plaisante Céline Skibinska, présidente de l’association genevoise Rudevent. Je faisais partie d’une équipe qui partait de Port-Choiseul. Et juste avant le départ, nous avons reçu un avis de vent fort. Suite à cela, certains bateaux ont abandonné. Il a plu entre Choiseul et Nyon, mais à part cela, tout a été parfait. L’aventure était vraiment fantastique.» Pour communiquer entre les bateaux au départ de Port-Choiseul, là aussi, Céline avait créé un WhatsApp. Cette idée de partage, on la retrouve dans les propos de Jean-François Fischer, président du club de voile libre de Morges, qui est parti depuis le port du Petit-Bois. «Il y avait une vraie dynamique, on a fait connaissance avec des gens qu’on n’aurait sans doute jamais rencontrés. Malgré cela, les conditions de navigation étaient assez venteuses. Nous étions à bord d’un catamaran et avons été rincés très vite. Cela dit, j’ai immédiatement adhéré au projet, porté à bout de bras par un seul homme, le Lausannois Bastian Marzoli.»
Ce dernier, qui passera bientôt son master d’architecture à l’EPFL, se réjouissait hier soir de ce succès discret. «Pour découvrir la ligne frontière, il fallait prendre son temps. Je suis surtout heureux qu’autant de monde m’ait suivi dans cette aventure, dans ce projet éminemment collectif. Je pense que celui-ci a été proposé au bon moment. Nous avons eu un peu peur que la météo ne vienne tout gâcher. Pour ne rien vous cacher, vendredi était difficile. Les alertes du côté de Genève n’étaient pas bonnes. Mais les bateaux ont joué le jeu. Il y en a eu autour des 250. Je pense surtout que j’ai eu beaucoup de chance», conclut-il, modeste. La suite, on la découvrira au Pavillon Sicli, du 19 mai au 18 juillet. Et peut-être un jour pour une autre performance analogue? Bastian Marzoli ne l’exclut pas, mais va pour l’instant terminer ses études.
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