L’histoire se déroule en été, au début de la décennie 2010. Nicolas Sarkozy est président de la République et passe ses vacances dans la luxueuse villa du cap Nègre que possède la famille de sa nouvelle compagne, Carla Bruni. Interrogée dans la presse locale, celle-ci s’émerveille alors des rencontres impromptues que réserve la douce période estivale. Figurez-vous que Bono lui-même est venu prendre le goûter quelques jours plus tôt! Un petit saut de puce en hélicoptère depuis sa propre propriété sur la Côte d’Azur pour faire la bise, manger un bout de gâteau et parler marche du monde avec Nicolas. Et puis, hop, il est reparti dans son hélico.
Toute l’ambiguïté du chanteur de U2 tient en cette anecdote. Ses indignations politiques doublées du succès phénoménal de son groupe depuis les années 1980 lui ont permis de parler d’égal à égal avec les dirigeants et les potentats mais, surtout, d’entrer dans leur club, de s’y fondre et d’en imiter les plus navrants usages. Lui assure depuis toujours qu’il s’agit du meilleur moyen de faire avancer le schmilblick. Ça se discute.
Plus que ses réussites tangibles dans l’humanitaire, ce sont surtout les remous de son entreprenariat «éthique» qui secouent régulièrement Bono – et ainsi le groupe irlandais. Exil fiscal de la société gérant U2 en Hollande, présence dans le scandale des Panama Papers, collusion marketing avec Apple, actionnariat massif dans Facebook, investissement dans «Forbes», le magazine des grandes fortunes, autoproclamé «l’outil du capitalisme»… Sur une radio belge, un concours permet actuellement de gagner un week-end à Dublin dans le palace que possèdent Bono et le guitariste The Edge.
Soyons clairs: Bono n’est pas le seul rockeur millionnaire et il ne s’agit pas de faire le procès des riches. Mais ni Elton John, ni Paul McCartney n’ont lié leur musique et leurs personnages à des combats contre la pauvreté, la faim dans le monde et l’injustice sociale. Naïveté ou hypocrisie? En tout cas, un mélange des genres qui a contribué à rendre clivant le nom de U2 et, sans doute, à l’éloigner de la génération milléniale plus que tout autre groupes des eighties.
Au début des années 2000, en concert à Zurich, Bono hurlait au public, bras ouverts en mode christique: «Switzerland, que caches-tu dans tes banques?» Pas ton magot, Bono: tu l’avais planqué à Malte.
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Opinion – Bono, magot, hélico
Avec ses indignations politiques doublées du succès phénoménal de son groupe, le chanteur a rejoint le club des puissants de ce monde. Un mélange des genres qui pèse sur U2.