Au colin-maillard des affaires bancaires, bien malin qui aurait pu deviner que la prochaine crise viendrait d’un institut californien spécialisé dans le financement des start-up des nouvelles technologies, la Silicon Valley Bank (SVB en abrégé), basée à San Francisco.
L’affaire, en l’occurrence, est assez entortillée et met en jeu à la fois l’engouement initial du capital-risque pour les jeunes pousses, les taux quasi nuls de l’argent à court terme pratiqués par les autorités monétaires durant la pandémie, leur brusque remontée amorcée ensuite par ces dernières en réponse à l’inflation, et par-dessus tout le ressort, au fond assez classique, des paniques bancaires lorsque la confiance des déposants disparaît.
Reprenons dans l’ordre. Ces fameuses start-up high-tech, presque toutes en recherche de fonds à leur naissance, n’ont d’abord eu aucune peine à séduire les capital-risqueurs, tant les promesses de plus-values à venir – d’autant plus alléchantes que l’environnement général, on s’en souvient, était pauvre en perspectives de rendement – ont attiré les investisseurs de tout acabit. Ayant de la sorte récolté plus qu’il n’en fallait pour financer leur développement, nos jeunes pousses ont été conduites assez logiquement à déposer leurs surplus de trésorerie en banque, auprès de la SVB justement.
Ainsi, au lieu de se profiler comme à l’ordinaire en pourvoyeuse de financement, la banque a vu grossir à l’extrême les dépôts de sa clientèle, et n’a eu dans ces conditions d’autre choix que d’en placer l’essentiel en actifs sans risque, j’ai nommé les obligations du Trésor américain.
«Tout cela sent à plein nez la répétition des événements de 2008.»
Est alors intervenu le resserrement des conditions monétaires, qui a soudainement compliqué la vie de ces défricheurs de nouvelles technologies, obligés désormais de tirer sur leurs réserves de cash. Coincée, comme toute banque confrontée de la même manière au grand écart entre actifs immobilisés et engagements à vue (ce qu’on appelle la «transformation d’échéances», qui est le propre de l’intermédiation financière), la SVB s’est mise à vendre, d’abord progressivement, puis dans la hâte, son portefeuille de «T-bonds», et cela au plus mauvais moment, puisque les taux d’intérêt (et donc les rendements) en forte hausse étaient en train d’en faire chuter les cours. Puis son annonce, le 8 mars dernier, d’une augmentation de capital à hauteur de 2,5 milliards de dollars a sonné l’alarme.
Observant la chose, les autres acteurs de la scène financière américaine se sont avisés qu’il était temps de plier bagage, et se sont mis les uns à retirer leurs fonds en dépôt auprès de la banque, les autres à liquider leurs positions en actions de celle-ci. La suite était inévitable : un plongeon en Bourse de 60% au lendemain de l’annonce, puis l’intervention du régulateur, qui a fermé la banque et bloqué ce qui reste de ses actifs.
Tout cela sent à plein nez la répétition des événements de 2008 et des crises financières en général. À cette différence près, bien entendu, que nos banques sont aujourd’hui mieux capitalisées et surtout mieux surveillées. On aura d’ailleurs noté que les actions bancaires ont certes accusé le coup, mais brièvement. Il n’en demeure pas moins que revient sur le tapis la proposition, maintes fois évoquée pour toujours être renvoyée au vestiaire, de séparer complètement la fonction de banque de détail (de caisse de dépôts si vous voulez) de celle de société d’investissement, la première rigoureusement protégée, la seconde laissée aux preneurs de risques. On finira bien par y venir.
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Chronique économique – Bis repetita placent, version bancaire