Trump, armes, avortementBientôt une théocratie aux États-Unis?
Ce billet est signé par un blogueur de la plateforme «Les Blogs» en partenariat avec la «Tribune de Genève». Il n’engage pas la Rédaction.

Verrons-nous dans les mois qui viennent les rues des grandes villes américaines ressembler à celles de l’Iran de 1979 au retour de Khomeyni, les armes en plus? Le chemin a été long. Dans les années 60-70, ce pays a adopté différentes lois fédérales comme le Civil Rights Act de 1964, le Voting Rights Act de 1965 et le Civil Rights Act de 1968 prohibant toutes les lois et réglementations ségrégatives sur l’ensemble des États-Unis. Puis il y a eu la poussée des idées de gauche qui ont conduit à créer l’agence de protection de l’environnement (EPA) en 1970 (sur proposition de Nixon), à accorder aux femmes le droit à l’avortement sur le plan fédéral en 1973 (Roe v. Wade), à faire tomber le fourbe président républicain Nixon en 1974 et à mettre fin à la guerre du Vietnam en 1975.
Depuis, la droite religieuse, en totale collusion avec les milieux d’affaires les plus réactionnaires, travaille méthodiquement à diffuser un message politique dans ses innombrables églises. Et ce travail de fond paie. S’ils ne représentent que 25-30% de la population, les évangélistes fascistes (pléonasme) sont aux portes du pouvoir absolu. Leur première victoire aura été l’élection de Reagan en 1980. Un homme qui incarnait à la perfection les valeurs de cette droite religieuse en cours de radicalisation et qui a fait reculer la démocratie américaine en introduisant l’ultralibéralisme dans les consciences. La deuxième aura été l’élection controversée de «W». Mais mieux vaut un abruti docile et paresseux comme W qu’un «bon» président pour faire avancer sa cause. La troisième aura bien sûr été l’élection de Trump.
Trump, «cancer de l’âme américaine»
C’est fascinant de voir ce processus électoral qui se transforme en combat de forces à ce point opposées. Après la chute de Nixon, les États-Unis élisent le démocrate Carter. Là, nous sommes dans la modération et le respect de la démocratie. Vient Reagan, l’extrémiste, qui saccage les fondements du vivre ensemble en introduisant la compétition, le chacun pour-soi, l’égoïsme dans tous les rouages de la société et de l’économie. C’est là que les inégalités sociales vont exploser. Après deux mandats de Reagan et un de son vice-président Bush (un relativement modéré), Bill Clinton arrive au pouvoir. Il poursuit la politique libérale, mais parvient à remettre en ordre le budget de l’État. La dette baisse comme jamais.
Les années Clinton ont été un supplice pour la droite religieuse. Lors des élection présidentielle de 2000, le GOP parvient, grâce à des manipulations électorales en Floride, à faire élire Bush fils, avec tous les dégâts que l’on connaît sur le budget et sur l’image des États-Unis (les 2 désastreuses guerres en Irak et en Afghanistan et la poursuite des cadeaux fiscaux aux plus riches, entamés sous Reagan). La présidence Bush se termine par la crise des subprimes qui jette des millions d’Américains dans la rue et qui est un résultat de la chienlit ultralibérale dans l’économie. En réaction à cette chienlit, les États-Unis élisent Obama. Un miracle si l’on pense aux tensions raciales mais qui prouve que la gauche détient la majorité populaire.
La Cour suprême, bastion de l’extrême-droite
Si Clinton avait été une pilule difficile à avaler pour la droite religieuse, Obama a été une potion qui a provoqué une nouvelle escalade dans la radicalisation de la droite. Trump, le satrape, grâce à sa volonté inébranlable de ne vivre que pour la défense exclusive de ses intérêts les plus égoïstes et bien conseillés idéologiquement par Steve Bannon (entre autres) parvient à s’emparer du pouvoir. Lui, le soi-disant républicain, promet de régler tout ce que les républicains ont cassé dans ce pays. Il va habilement s’appuyer sur ce qu’il y a de plus réactionnaire: la droite religieuse, les hyperriches, les détenteurs d’armes, les laissés-pour-compte de la croissance, en flattant leur patriotisme, leur nationalisme et leur sentiment de vivre dans un pays à la dérive sur le plan des valeurs morales. J’ai beaucoup écrit dans mon blog sur Trump, ce cancer de l’âme et de la démocratie américaines. Mais il est à la fois la cause et la conséquence de cette radicalisation extrême et il a créé de nombreuses métastases:
Au sein du parti républicain, on ne compte plus les élus qui tiennent des propos qui les auraient menés à l’asile ou en prison il n’y a pas si longtemps. Tous les jours, depuis les dernières élection présidentielle, les élus républicains des États à majorité républicaine travaillent à pouvoir fausser «légalement» le résultat des prochaines élections (ce qu’ils faisaient déjà avant, mais sous stéroïde). Dans la population de plus en plus radicalisée et prête à prendre les armes pour «défendre la liberté». La Cour suprême qui devrait être la conscience morale du pays et être largement au-dessus des querelles partisanes, est devenue un bastion d’idéologues et de militants de l’extrême droite. En une semaine, elle a prononcé 4 avis qui renvoient le pays dans un lointain passé:
- jeudi 23 juin, elle a invalidé une loi de l’État de New York sur le port d’armes, consacrant au passage le droit des Américains à sortir armés de leur domicile, ceci alors que, chaque année, 40-50 000 américains sont tués par des armes à feu, vendredi 24 juin, elle a supprimé Rot vs Wade. Intéressant de noter ici que les 3 juges nommés par Trump ont menti sous serment pendant leurs auditions au Sénat en affirmant qu’ils ne reviendraient pas sur cet arrêt. En supprimant le droit fédéral à l’avortement et en renvoyant ce pouvoir au « peuple » et aux États, la Cour suprême a ouvert la porte à tous les abus d’États ultra-conservateurs dont certains interdisent ou vont interdire l’avortement même en cas de viol ou d’inceste. Ainsi que la pilule du lendemain. Bienvenue en Afghanistan. Et ce n’est qu’un début. À quand la lapidation en cas d’infidélité ?
- Lundi 27 juin, elle a affaibli la stricte séparation entre l’église et l’état en donnant raison à un entraîneur de football chrétien sanctionné par son école pour avoir organisé des prières, en public, après ses matches.
- Jeudi 30 juin, elle a affaibli la capacité de l’EPA à protéger l’environnement en estimant qu’elle « ne pouvait pas édicter de règles générales pour réguler les émissions des centrales à charbon», pour le plus grand profit des pires industries réactionnaires et corruptrices du pays. Droit qui avait été accordé à l’EPA par le Congrès. Intéressant, là aussi, de constater que cette frénésie de la Cour intervient au moment où Trump est plus près que jamais d’être enfin inculpé pour ses innombrables tentatives de coup d’État. Qui pourrait y voir aussi bien une diversion qu’une tentative frénétique d’ancrer son héritage dans la loi ?
Nous assistons, sous nos yeux, pas dans les livres d’histoire, au vertige d’un pays qui oscille au bord du précipice depuis 4 décennies, mais qui s’en rapproche chaque jour un peu plus. Car comment interpréter autrement. Les dérives fascistes du parti républicain, Son refus obstiné de reconnaître les innombrables tentatives de coup d’Etat de Trump. La course contre-la-montre entre un ministre de la Justice maladivement passif, une Commission d’enquête active et un GOP qui fait tout ce qu’il peut pour protéger Trump et ses chances de réélection, Le culte de la personnalité en faveur du Lider Maximo. Les décisions de la Cour suprême? Comment éviter, demain, lors des prochaines votations qui seront forcément contestées sur le modèle trumpien de 2020 par les élus républicains (si toutes leurs turpitudes au niveau des lois électorales ne les font pas gagner d’avance), que des dizaines ou des centaines de milliers de partisans de la droite fasciste et évangélique ne viennent (de) prendre d’assaut le Capitole (et les Capitoles des États), légalement armés jusqu’aux dents?
Au moment où ce pays travaille durement à garantir la sécurité du monde occidental, en Ukraine face à la Russie et en Asie face à la Chine, il est tellement «à cran» que demain, nous pourrions voir ce qui reste de démocratie être emporté par un tourbillon de fous de dieu, à l’image de ce qui s’est passé dans les rues de Téhéran en 1979 au retour de Khomeyni. Les armes en plus.
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