Violences policières aux États-UnisUne vidéo de l’arrestation fatale d’un Afro-Américain attendue ce vendredi
«Nous prévoyons de partager la vidéo via un lien YouTube pour qu’elle soit accessible à tous», a déclaré la cheffe de la police de Memphis. Des manifestations sont attendues.

La ville américaine de Memphis se préparait vendredi à des manifestations en réaction à la publication, prévue à la fin de la journée, d’une vidéo montrant l’arrestation brutale par cinq policiers d’un Afro-Américain, mort trois jours après ce violent passage à tabac.
«Quand mon mari et moi sommes arrivés à l’hôpital et que j’ai vu mon fils, il était déjà mort. Ils l’avaient réduit en bouillie. Il avait des bleus partout, sa tête était enflée comme une pastèque», a raconté en larmes RowVaughn Wells, la mère de Tyre Nichols, dans une interview diffusée vendredi par la chaîne CNN.
«Il ne s’agit pas seulement d’une erreur professionnelle, mais d’un manque d’humanité.»
La cheffe de la police de Memphis, Cerelyn Davis, a prévenu que la vidéo montrant l’interpellation de cet homme de 29 ans était «comparable, voire pire» à celle montrant l’arrestation policière violente de Rodney King en 1991. L’acquittement, un an plus tard, des quatre policiers impliqués, déclencha des émeutes sans précédent à Los Angeles.
«Nous prévoyons de partager la vidéo via un lien YouTube pour qu’elle soit accessible à tous. Ce sera fait en fin d’après-midi», a déclaré Mme Davis sur CNN, ajoutant que les images illustraient une «sorte d’effet de groupe» au sein des cinq policiers, qui sont eux-mêmes afro-américains.
Joe Biden a parlé vendredi à RowVaughn Wells et Rodney Wells, la mère et le beau-père de Tyre Nichols, un Afro-Américain mort trois jours après avoir été passé à tabac par des policiers noirs, a fait savoir la Maison Blanche.
Le président américain leur a «directement fait part de ses condoléances» et a «salué leur courage et leur force», a indiqué la présidence, quelques heures avant la publication annoncée d’une vidéo de l’arrestation, qui a eu lieu le 7 janvier à Memphis (Tennessee, sud).
«Passage à tabac»
«La vidéo est divisée en quatre séquences différentes (…) le contrôle (routier) initial, celui à proximité de la maison de Tyre et la caméra portative de plusieurs personnes sur place», a-t-elle précisé.
«Je m’attends à ce que vous soyez scandalisés» en voyant ces images, a admis mercredi la cheffe de la police de Memphis, Cerelyn Davis. Jugeant probable l’organisation de manifestations, elle a appelé à ne pas «inciter à la violence ou à la destruction».
Le 7 janvier, les policiers avaient voulu arrêter Tyre Nichols pour une infraction routière. Alors que les agents s’approchaient, une «confrontation avait eu lieu» et «le suspect s’était enfui», selon les forces de l’ordre.
Rattrapé, Tyre Nichols avait été interpellé dans des circonstances que les autorités ont pour l’instant évité de décrire précisément. Le déroulé précis des faits et leur durée restent sources de questions, tout comme le temps écoulé avant que la victime ne bénéficie de soins médicaux.
Rattrapé, Tyre Nichols avait finalement été interpellé. S’étant plaint d’avoir du mal à respirer, il avait été hospitalisé. Il était décédé trois jours plus tard.
Les détails de l’arrestation ne sont pas encore clairs: la vidéo a pour l’instant uniquement été montrée aux proches et à leurs avocats.
Selon ces derniers, «la police l’a battu au point qu’il était méconnaissable». «Il s’agit d’un passage à tabac pur et simple, sans interruption, de ce jeune homme pendant trois minutes», a précisé l’avocat Antonio Romanucci.
Ce qui s’est passé était «inadmissible» et «criminel» et «n’aurait pas dû se produire», a martelé David Rausch, directeur du bureau d’enquête du Tennessee, «choqué» et «écœuré» par ce qu’il a vu. «En un mot, c’est absolument épouvantable», a-t-il résumé.
L’inculpation des policiers «nous donne de l’espoir alors que nous continuons à réclamer justice pour Tyre», ont commenté les avocats de la famille de la victime, dont le célèbre Ben Crump – qui avait représenté la famille de George Floyd.
Jeudi, en évoquant ses rencontres avec les proches de Tyre Nichols, le procureur Steve Mulroy a dressé le portrait d’un «fils presque parfait», «une personne joviale et heureuse, qui aimait le skateboard».
Meurtre, coups, blessures et enlèvement
Ces agents de la police de Memphis, grande ville du Tennessee, tous Afro-Américains, sont visés par plusieurs chefs d’inculpation, dont meurtre, coups et blessures ou encore enlèvement, a annoncé le procureur Steve Mulroy lors d’une conférence de presse. Quatre d’entre eux ont ensuite été libérés sous caution.

Les cinq agents inculpés ont été licenciés la semaine dernière. L’enquête interne de la police a conclu qu’ils avaient utilisé la force de façon excessive. D’autres policiers font encore l’objet d’une enquête.
Les agents mis en cause sont «directement responsables des violences physiques commises sur M. Nichols», avait expliqué mercredi Cerelyn Davis, estimant qu’il ne s’agissait «pas seulement d’une erreur professionnelle, mais d’un manque d’humanité», un acte «odieux, irresponsable et inhumain.»
«Enquête rapide et transparente»
Le président américain Joe Biden a réclamé dans un communiqué une «enquête rapide, complète et transparente» sur ce drame et appelé à ce que les manifestations soient «pacifiques», car «la colère est compréhensible, mais la violence n’est jamais acceptable».
Violence policière
L’affaire trouve un écho particulier dans un pays encore marqué par le meurtre de George Floyd par un policier, en mai 2020, et les manifestations Black Lives Matter, contre le racisme et les violences policières, qui avaient suivi.

Et le drame a relancé le débat sur la violence policière dans le pays. «Nous ne pouvons ignorer le fait que les interventions policières mortelles ont davantage touché les personnes noires», a rappelé Joe Biden.
Le président démocrate exhorte le Congrès à passer un projet de loi de réforme de la police, adopté à la Chambre des représentants en 2021 mais bloqué au Sénat.
Depuis la mort de George Floyd, le Congrès américain a été incapable d’adopter la moindre réforme ambitieuse de la police aux États-Unis, y compris l’interdiction des prises d’étranglement.

Le président de l’organisation de défense des droits civiques NAACP, Derrick Johnson, a appelé les élus du Congrès à regarder la vidéo de l’arrestation, puis à agir. «Nous pouvons nommer toutes les victimes de violences policières, mais nous ne pouvons pas citer une seule loi que vous avez passée pour régler le problème», a-t-il dit.
AFP
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