Assurés sous surveillance? Marjorie de Chastonay face à Roger Golay
La surveillance des assurés qui trichent a toujours existé. Ce qui fait débat, c'est le degré d'intrusion dans la vie privée pour dépister les tricheurs. En octobre 2016, la Cour européenne des droits de l'homme a estimé que l'assurance accidents n'avait pas le droit d'observer les assurés, faute de base légale suffisante. D'où la révision de la loi, votée au parlement fédéral par 141 conseillers nationaux contre 51 et par 29 conseillers aux États contre 10 et 3 abstentions. Jugeant les nouvelles dispositions trop rigoureuses, des partis ont lancé un référendum. Marjorie de Chastonay, députée Verte et Roger Golay, conseiller national MCG opposent leur point de vue
Pas de criminalisation des gens fragiles!
Marjorie de Chastonay, députée Verte
Plus de 75 000 citoyen.ne.s suisses se sont mobilisé.e.s pour faire aboutir ce référendum – car il s'agit bien d'un référendum citoyen! Mais pourquoi une telle mobilisation? Parce que la nouvelle Loi sur la surveillance des assurés heurte la sphère privée si chère à la liberté et au respect de nos vies.
En tant que présidente de la FéGAPH (Fédération genevoise d'associations de personnes handicapées et de leurs proches), je sais ce que c'est d'enlever des droits, de lever des barrières, d'augmenter les obstacles et de discriminer les personnes en situation de handicap, car je côtoie quotidiennement des personnes concernées. Avec un fils sur le spectre des troubles autistiques, je suis aussi touchée de près, et je ne pourrais supporter l'idée que des détectives privés nous surveillent en permanence et à notre insu (contrairement aux caméras de surveillance).
Ce qu'il faut comprendre avec cette loi, c'est qu'elle concerne non seulement les personnes en situation de handicap ou bénéficiant d'une allocation impotence ou invalidité, mais toutes les personnes ayants droit à des assurances, ou à des congés ou à des prestations, à un moment donné dans leur vie. Surveiller, épier, fouiner, traquer viole les droits fondamentaux de toute la société. C'est une violation de la sphère privée et cela est inacceptable.
À titre de comparaison, les méthodes proposées par cette loi seraient plus intrusives et plus sournoises que celles utilisées par les policiers pour traquer un criminel lors d'une enquête pénale! De plus, ce serait des détectives privés à la botte des caisses d'assurances maladie qui auraient davantage de compétences que la police car ils pourraient même filmer à l'intérieur du salon des gens. Imaginons même un instant que les détectives privés soient des hommes qui surveilleraient des femmes dans leur vie privée…
Il ne s'agit pas de remettre en question la nécessité de lutter contre les abus, qu'il s'agisse d'assurances sociales ou de fraude fiscale. En effet, les fraudes peuvent déjà de nos jours être poursuivies par la justice. Cependant, je considère que cette révision est partiale, disproportionnée et qu'elle crée de surcroît un dangereux précédent. Les outils d'observation tels que prévus par le parlement sont extrêmement intrusifs et les inscrire dans la loi octroierait les quasi-pleins pouvoirs aux assurances, déjà si puissantes via leurs lobbies.
Pas d'impunité pour les tricheurs!
Roger Golay, conseiller national MCG
Le 25 novembre prochain, le peuple suisse sera appelé à se prononcer sur la surveillance des assurés, plus précisément sa base légale, laquelle a fait l'objet d'un référendum. Cette loi vise à mieux détecter les abus manifestes dans le domaine des assurances sociales. Par exemple, une personne qui bénéficie d'une rente totale d'invalidité et qui, malgré tout, exerce toujours sa profession contre une rémunération non déclarée, pourra faire l'objet d'une surveillance légale organisée par les assurances sociales, afin de réexaminer son dossier.
Toutefois, cette loi stipule de manière très stricte les moyens mis en œuvre pour exercer ces contrôles, qu'ils soient humains ou techniques. Cette surveillance ne pourra être pratiquée que depuis la voie publique et en aucun cas dans la sphère privée, sauf si celle-ci est visible depuis un lieu accessible à tous, comme un jardin ou un balcon. Les moyens techniques tels que les drones ou des géolocalisations devront être soumis à l'autorisation d'un juge. Il sera interdit aux assurances sociales de mettre des assurés sous écoute téléphonique. Comme vous pouvez le constater, les moyens de surveillance seront très limités, tout en respectant le principe de proportionnalité par rapport au but recherché. Contrairement à ce que prétendent les référendaires, il ne sera pas autorisé de surveiller les personnes soupçonnées de fraudes aux assurances jusqu'à l'intérieur de leur chambre à coucher.
Aujourd'hui, une telle disposition légale a tout son sens afin de diminuer les charges financières, déjà très lourdes, payées par les assurés honnêtes. Sachant que nos assurances sociales rencontrent des difficultés énormes, notamment financières, il convient de mettre un terme aux abus des versements de rentes indues. Cette nouvelle loi visera seulement un nombre très limité de personnes mais aura un effet bénéfique sur les finances des assurances sociales, en plaçant une épée de Damoclès au-dessus de la tête de ceux qui seraient tentés de tricher.
Chaque citoyen de ce pays a la responsabilité que notre système social, basé sur la solidarité à l'égard des plus faibles, fonctionne, et cela en assurant sa pérennité. Il est donc de notre devoir de donner des moyens efficaces aux organes de contrôle pour mettre un terme aux injustices sociales.
Genève, sous l'impulsion du conseiller d'État MCG Mauro Poggia, mène une action déterminée contre la fraude dans le domaine de l'aide sociale. Celle-ci a permis à l'État de récupérer depuis 2017 la somme de 25 millions de francs de prestations versées de manière indue. Tout cela au bénéfice des contribuables et des personnes qui, légitimement, reçoivent ces aides. Alors, pourquoi ne devrions-nous pas mettre de l'ordre dans les assurances sociales au niveau fédéral?
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