Après le triomphe électoral, les défis ne manquent pas pour Poutine
De nombreux chantiers politico-économiques attendent le chef du Kremlin, réélu avec un score record de plus de 76%.

À peine reconduit au Kremlin, Vladimir Poutine a prévenu: un «travail dur» l'attend, lui et le pays. Le chef du Kremlin a pourtant connu un raz de marée électoral, gagnant 11 millions de voix par rapport à 2012. Les résultats record confirment sa popularité, réelle mais largement orchestrée par les autorités. Avec un paradoxe: les Russes ont voté pour la stabilité; Vladimir Poutine n'a toutefois présenté aucun programme durant la campagne. En pleine confrontation avec l'Ouest, il s'est contenté de faire étalage de ses nouveaux missiles nucléaires, de célébrer les quatre ans de l'annexion de la Crimée et de promettre des «victoires brillantes». Sans vrai débat sur les défis politiques et économiques qui l'attendent.
«Il a anéanti le débat»
«C'est la force et la faiblesse de Poutine: il a anéanti le débat», regrette Dmitrï Oreshkine, politologue indépendant. «Son dernier mandat sera le plus difficile. Jusque-là, son agenda avait été dominé par la politique étrangère, thème gagnant. Mais il va devoir se concentrer sur l'économie, thème où il a beaucoup à perdre…»
Des mesures impopulaires sont à prévoir, dont la hausse de l'âge de la retraite. D'autres mettront à mal la rente pétrolière et les intérêts de proches peu enclins à la diversification industrielle pourtant indispensable pour s'assurer de nouveaux moteurs de croissance. Les plus libéraux espèrent des réformes institutionnelles, notamment pour rendre le système judiciaire plus indépendant et donc plus efficace dans la lutte contre la corruption.
Le défi est grand alors que la Russie, certes sortie de deux ans de récession, est menacée de stagnation. «Le premier Poutine des années 2000 avait été libéral et réformateur. Puis il a donné la priorité à la lutte contre l'inflation (pour apaiser les mécontentements), au maintien de l'équilibre budgétaire (pour se protéger des méfaits d'une baisse des cours pétroliers) et à l'augmentation des réserves (pour assurer l'indépendance vis-à-vis de l'Ouest)», rappelle Oleg Kouzmine, analyste du fonds Renaissance Capital.
Comme d'autres, il s'attend à des mesures cosmétiques, l'élite autour du président se mobilisant pour le statu quo. «Cela va être difficile de lancer une vraie dynamique de réformes.» Un mot que Vladimir Poutine n'a d'ailleurs même pas prononcé dans son récent discours à la nation.
La classe moyenne doute
Ces chantiers économiques seront d'autant plus périlleux pour le maître du Kremlin qu'il les a évités jusque-là et a entretenu sa popularité grâce à une rhétorique anti-occidentale. «Le premier Poutine était libéral et considérait l'ouest en partenaire. Le second Poutine s'est révélé conservateur et voyait les Occidentaux en concurrents. Depuis quatre ans, il est devenu réactionnaire, prêt à affronter les ennemis américain et européen», résume Alexeï Venediktov, figure de la presse libérale. «Il ne peut pas revenir en arrière!»
Cette impasse sur le front extérieur a une portée sur le front intérieur. La classe moyenne, qui a bénéficié de la hausse des revenus en dix-huit ans de Poutine, exprime de plus en plus doutes et frustrations. Elle s'inquiète des bras de fer à répétition avec l'Ouest et du manque de confiance des Occidentaux pour la Russie mais aussi peste contre la corruption et l'absence de croissance loin du pétrole, espère plus de libertés civiles et moins de capitalisme d'État, confie lassitude et désir d'évolution.
Dimanche, beaucoup n'ont pas voté. Le défi politique de Vladimir Poutine sera de convaincre ces Russes-là, la force vive du pays, qu'il peut offrir à la fois stabilité et changement.
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