InterviewAntoine Macheda, le roi des nuits genevoises
Entrepreneur genevois ayant débuté dans la coiffure, il est désormais patron de discothèques et restaurants.

J’ai eu le plaisir de rencontrer Antoine Macheda, véritable entrepreneur des nuits festives genevoises depuis plus de 35 ans, fondateur de plusieurs établissements nocturnes, dont le fameux Petit Palace, dans lequel depuis toutes ces années plusieurs générations se côtoient et se réunissent pour danser et faire la fête. J’avais envie de savoir comment tout cela a commencé.
Antoine, expliquez-nous, comment avez-vous atterri dans le monde nocturne? Vous avez débuté dans la coiffure, il me semble… Quel est votre parcours?
À 17 ans, j’ai commencé mon apprentissage de coiffure à la rue de la Cité; c’était un salon-école. Afin de pouvoir payer l’écolage, je faisais la plonge dans un restaurant et des ménages dans des bureaux. Pour l’anecdote, lorsque je nettoyais les cendriers, je ramassais les mégots de cigarette pour ne pas avoir à en acheter. Mon apprentissage réussi, j’ai été coiffeur au salon Rive Gauche (rue des Contamines) où je ne suis resté que peu de temps, car avec mes économies, j’ai pu faire l’acquisition de mon premier salon de coiffure à Champel, Melody Coiffure, pour ensuite l’agrandir et ouvrir Panthera Coiffure et Garden Coiffure. C’est dans ce salon que j’ai fait la connaissance de Patrick Juvet, j’étais son coiffeur attitré. Pendant mon apprentissage, j’ai pris part à un concours de danse organisé par Europe 1, tourné avec Dalida et j’ai obtenu le premier prix «Rock’n’roll». J’ai eu la chance de rencontrer Dalida et nous sommes restés amis durant plusieurs années. J’ai ainsi eu l’occasion de connaître des grandes personnalités et les avoir coiffées (Petula Clark, Sophia Loren, Jane Birkin, et tant d’autres) et je me sentais vraiment attiré par la vie artistique et le côté festif de la nuit.
Discothèque à vendre
Votre toute première acquisition dans les années 80 a été le Presbytère que vous avez rebaptisé L’Alibi, situé en France, juste après la frontière en direction de Thonon, comment a débuté cette aventure?
Les circonstances ont fait que je suis passé devant cette discothèque très connue dans les années 1970, dont j’étais d’ailleurs client, et le panneau «Discothèque à vendre» a attiré mon attention et je me suis dit: Pourquoi pas moi? Je l’ai repris en 1986, après avoir effectué quelques travaux et toute la décoration à mon image, je l’ai rebaptisée L’Alibi, car c’était un bon prétexte pour attirer la clientèle suisse dans cette discothèque. Il faut dire que durant mes années comme coiffeur j’organisais, en collaboration avec des magasins de mode, des défilés lors desquels je présentais mes coiffures et les maquillages, ceci dans les grands hôtels de Genève et Vaud, cela m’a permis de me faire un nom, mais j’ai également pu me constituer une clientèle qui m’a suivi tout au long de ma carrière. Je ne connaissais rien au métier, mais je me suis entouré de professionnels et j’ai heureusement connu le succès immédiatement.
Quels sont les autres établissements nocturnes que vous avez créés ensuite sur Genève?
En 1987, j’ai repris un bar à la rue des Étuves, sous enseigne de La Chaumette, mais que moi j’ai appelé Le Marlène, car je suis un fan de Marlene Dietrich. J’ai mis sur pied des spectacles transformistes tous les lundis, afin d’animer les soirées du quartier. Il y a aussi L’Interdit qui devait s’appeler Le Colisée car c’était une décoration romaine où les employés travaillaient habillés en romain cela a dépassé toutes les frontières, cette discothèque a été classée la 2e plus jolie discothèque du monde par un journal britannique et un journal américain, ensuite j’ai enchaîné avec Le Prétexte (anciennement bar à Whisky à la rue du Prince), le White’N Silver (ex-club 58), La Garçonnière, que j’ai vendue il y a quatre ans, mais l’actuel propriétaire m’a honoré en gardant la même décoration intérieure et ces belles vitrines représentant mes trois stars préférées, Dalida, Marilyn Monroe et Marlene Dietrich. Et, encore d’actualité, car je ne sais pas rester sans rien faire, j’ai ouvert le restaurant bar lounge L’Interdit à la rue de la Rôtisserie.
«À 69 ans, je suis 7 jours sur 7 dans mes établissements et je fais la fête avec ma clientèle comme si c’était la première fois.»
Le Petit Palace est devenu une véritable institution genevoise, certains l’appellent «le petit pal», pourquoi ce lieu en particulier, comment l’avez-vous choisi? C’était à l’époque plutôt une boîte à jazz, comment avez-vous su opérer la transition?
À la fin de chaque service du Marlène, j’emmenais mes clients à La Tour, car j’aimais le cadre mais également le jazz joué en live. Cet établissement perdait sa clientèle, devenait démodé et je me suis lancé le nouveau challenge de le reprendre, d’abord en gérance, ensuite, j’ai racheté le fonds de commerce. J’avais tout d’abord rebaptisé ce lieu: Petit-Palais, mais le musée Petit Palais nous a demandé de changer, car cela portait à confusion, surtout dans les courriers. Je l’ai donc appelé Le Petit Palace. J’en ai fait une discothèque, très moderne et branchée, avec une décoration innovante et futuriste pour le canton, une inspiration gréco-romaine, style que j’affectionne particulièrement.
Quelle est la clé de son succès depuis toutes ces années?
J’ai eu la chance au début d’avoir des chanteuses et chanteurs à la mode qui venaient me rendre visite et qui, à l’occasion, se produisaient sur scène. J’ai également pris le risque de produire des «Chippendales» qui ont fait la une des journaux de l’époque… Le succès de tous ces établissements: je suis à l’écoute des nouveautés et surtout je dévoue ma vie au service de ma clientèle. Le Petit Palace réunit plusieurs générations depuis toutes ces années, j’ai la chance de côtoyer certains enfants de mes clients de l’époque et suis très à leur écoute. Je les accompagne en soirée et surtout évite toutes consommations abusives d’alcool. Chez moi les drogues n’ont pas lieu d’être. Elles sont interdites.
Je suppose que depuis le milieu des boîtes de nuit des années 80 certaines choses ont changé, comment est la mentalité de la clientèle actuelle?
J’ai, je crois, réussi à m’adapter à toutes sortes de musiques et comprends tout à fait la nouvelle mentalité des jeunes, une belle jeunesse, qui sait s’amuser différemment que dans les années 80, la drague se fait par connaissance sur la piste de danse en s’échangeant leur identité virtuelle (IG – FB). car tout se fait en instantané. Au Petit Palace, j’ai connu quatre générations, et suis devenu, comme certains m’appellent, leur «Tonton».
Qu’est-ce qui vous a particulièrement marqué depuis toutes ces années?
Ce qui me marque le plus, c’est qu’à 69 ans, je suis 7 jours sur 7 dans mes établissements et que je fais la fête avec ma clientèle comme si c’était la première fois.
Vous êtes marié, père de famille de deux grands enfants, comment faites-vous pour garder une vie familiale en étant constamment présent la nuit dans votre établissement?
Je passe plus de temps avec mes enfants en travaillant la nuit, car j’ai la chance de ne pas avoir besoin de beaucoup de sommeil, mon temps libre de la journée me permet d’avoir des moments privilégiés avec eux et grâce à mon épouse, nous arrivons à former une famille formidable.
Quels sont les conseils que vous donneriez à ceux qui souhaiteraient se lancer dans ce milieu?
Il faut tout d’abord être sérieux, ce n’est pas parce que nous travaillons dans un milieu festif qu’il ne faut pas se donner des limites à ne pas dépasser. Il faut être attentif à toute la clientèle et à toutes les situations; prêt à intervenir dans tout événement qui n’est pas admis par la loi. Tout au long de ma carrière, je pense être resté comme au premier jour lors de mes débuts professionnels, humble et ne jamais oublier ses origines.
Actuellement avez-vous d’autres projets en perspective?
Je fourmille toujours d’idées et pourquoi pas un nouveau projet dans un avenir proche?
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.