Rencontres internationales de GenèveAnne Nivat, le terrain pour comprendre le conflit ukrainien
Reporter de guerre expérimentée, la journaliste a livré son analyse du ressentiment mardi soir.

La deuxième conférence de la 55e session des Rencontres internationales de Genève (RIG) a été donnée par la journaliste française Anne Nivat, reporter de guerre indépendante, Prix Albert Londres en 2000. Elle a notamment couvert la Tchétchénie, l’Afghanistan, l’Irak et l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014. C’est à ce titre qu’elle était invitée à analyser le ressentiment, thème des RIG de cette année.
Son exposé, lu d’une voix claire et ponctué par de nombreuses citations, était construit en deux temps. D’abord, les guerres qu’elle a couvertes et qui ont vu s’affronter l’Occident et Al-Qaida, puis Daech. Ensuite, celles menées par la Russie.
L’Occident sans miroir
Critique, elle raconte donc d’abord l’Afghanistan, où elle est allée en 2002, et l’Irak, en 2003. L’attitude des militaires américains, leur mécompréhension et leur manque de considération pour les populations qu’ils venaient «sauver».
Pour la journaliste, les États-Unis ont constamment renoncé à respecter leurs valeurs lors de ces conflits, ce qui explique le ressentiment à leur égard des populations locales et, plus largement, d’une partie du monde musulman. La couverture médiatique américaine et européenne, moindre, prouve la difficulté de l’Occident à faire sa propre autocritique.
«À l’heure des réseaux sociaux et de l’information en continu, la prospérité occidentale s’affiche outrageusement, mais est de moins en moins accessible, menant à la frustration. Et donc, au ressentiment.»
Souvenirs et exemples notoires se mêlent, de la société militaire privée Blackwater aux photos d’Abou Ghraib, des frappes multipliées sous Obama à la retraite désastreuse d’Afghanistan en été 2021. Pour Anne Nivat, ce dernier événement est d’ailleurs l’un des facteurs ayant mené à l’offensive russe en Ukraine.
De Grozny à l’Ukraine
Vient ensuite la Tchétchénie, «ma première guerre» souligne-t-elle, à l’automne 1999. La seconde, à vrai dire, puisque le premier volet s’était terminé sur une défaite russe en août 1996. Il est alors question d’histoire, de remise en contexte. Poutine qui, «dès le début, a voulu rectifier l’histoire nationale russe» et les raisons de son ressentiment à l’égard de l’Occident appuient les anecdotes de l’horreur tchétchène.
L’occasion de rappeler le travail d’Anna Politkovskaya, journaliste russe assassinée en 2006, et la fermeture de l’ONG Memorial, en 2021, sans que cela n’alerte l’opinion européenne.
Anne Nivat conclut: «S’il est facile pour les politiques d’attiser le ressentiment, ce dernier est avant tout une émotion. Un facteur humain qui gomme les nuances. À l’heure des réseaux sociaux et de l’information en continu, la prospérité occidentale s’affiche outrageusement, mais est de moins en moins accessible, menant à la frustration. Et donc, au ressentiment.»
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