Anne Emery-Torracinta suspend sa numéro deux
Déjà sous pression dans l'affaire Ramadan, la cheffe de l'École genevoise a écarté sa secrétaire générale pour un mandat que celle-ci a confié à son compagnon.

Coup de tonnerre à l'État! La secrétaire générale du Département de l'instruction publique (DIP), Marie-Claude Sawerschel, est suspendue. Une décision prise samedi par la cheffe du DIP, Anne Emery-Torracinta, et révélée sur notre site www.tdg.ch. En cause: l'octroi d'un mandat au compagnon de la responsable de l'administration, qui pose la question d'un conflit d'intérêts.
«La conseillère d'État a pris connaissance de différents éléments laissant penser à une non-conformité, concernant un contrat de mandat. Elle l'a immédiatement résilié, a confirmé samedi le porte-parole du DIP, Pierre-Antoine Preti. Étant donné les circonstances, la conseillère d'État a décidé de suspendre provisoirement la fonctionnaire concernée pour faire la lumière sur les faits.»
Mandat de 50 000 francs
De quoi s'agit-il? Dans le cadre d'un projet stratégique de développement de l'enseignement du numérique, le DIP avait confié un mandat de 50 000 francs à une société genevoise. La mission avait commencé le 1er mars. Elle consistait à présenter un plan d'action à la conseillère d'État et à la secrétaire générale d'ici à la fin de l'année. Problème: le président de cette société n'est autre que le compagnon de la secrétaire générale, un retraité de l'UNIGE. Le Genevois est parfois croisé au 6, rue de l'Hôtel de Ville, siège du département.
Le conflit d'intérêts potentiel apparaît évident. Un directeur de service a bien toussé, selon nos informations. Il aurait recommandé à la secrétaire générale de ne pas signer le contrat, alors que son montant l'aurait permis. C'est finalement la magistrate elle-même qui a pris soin de le parapher. Inhabituel. Que savait-elle de ce mandat? Mystère.
Tout cela est-il bien légal? Apparemment oui. Le règlement sur la passation des marchés publics autorise pour les marchés de services une procédure de gré à gré jusqu'à 150 000 francs. Pas besoin d'un appel d'offres, selon nos informations. Il suffit que l'État demande trois offres à différents prestataires pour la même prestation. Cela a-t-il été le cas? Là aussi, difficile de le savoir à ce stade.
Double casquette
Autre point surprenant: le président de la fameuse société spécialisée dans les outils informatiques de traitement de la langue et de la traduction se trouve aussi être responsable d'un laboratoire du même nom rattaché la Faculté des lettres, alors qu'il est professeur honoraire.
Cette affaire sensible dérange depuis plusieurs semaines, mais a surtout fait le tour des bureaux ces derniers jours. Le président du Conseil d'État, le PLR François Longchamp, a même parlé vendredi en urgence de ce sujet à sa collègue et réalise depuis un quasi-coaching.
Les problèmes s'accumulent au DIP, en pleine ébullition, suite à sa gestion erratique de l'affaire Tariq Ramadan, et déchiré par des dénonciations visant un professeur du Collège mis sous enquête administrative.
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Récit d'une folle semaine
Comment est-on arrivé à un tel chaos au Département de l'instruction publique (DIP)? Premier choc au début de novembre. Quatre anciennes élèves de Tariq Ramadan décrivent avoir subi des abus de la part du professeur actif à Genève entre 1984 et 2004. L'émotion est vive à Genève. Alors que certains lui conseillent d'ouvrir une enquête sur les dysfonctionnements du DIP, la conseillère d'État Anne Emery-Torracinta assure que les temps ont changé.
Deuxième choc en décembre. De jeunes femmes dénoncent les agissements d'un professeur en poste dans le même collège que Ramadan. De profondes dissensions au sein de l'École surgissent, opposant les partisans des plaignantes aux défenseurs du corps professoral. Dans les deux affaires, le rôle de la secrétaire générale du DIP interroge. Doyenne, elle a côtoyé deux ans Tariq Ramadan au Collège de Saussure. Devenue directrice, elle a travaillé avec l'autre enseignant.
Troisième choc le 11 mars. Attaquée par des féministes qui dénoncent une «omerta», Anne Emery-Torracinta persiste dans son refus d'ouvrir une enquête, hésite et se ravise, en l'espace de trois jours.
Dernier choc, samedi, avec l'affaire du mandat donné au compagnon de la secrétaire générale. Peu soucieux des problèmes d'Anne Emery-Torracinta jusqu'à présent, ses collègues ne peuvent plus ignorer cette crise majeure de l'institution. S.R.
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