Théâtre de la Parfumerie«Amulette», un chapelet de souvenirs
Pour la nouvelle création du Théâtre Spirale, Michele Millner a collecté des témoignages auprès de migrantes sur le thème du talisman.

Le mot ressemble à un petit bijou, et le spectacle qui choisit de s’en parer le sait. «Amulette» consacre ainsi de nombreuses minutes à en égrener les définitions, les synonymes, les traductions et les exemples. Accouché dans le cadre d’ateliers d’écriture et de théâtre menés en 2020 et 2021 auprès de personnes issues de la migration, il ne fait même que cela: enfiler une à une les anecdotes de provenances diverses qui répondent à la question: «Quel est l’objet que vous emportez avec vous?» Et observer l’universalité qui se dégage aussitôt des récits de vie donnés en partage.

Avec Michele Millner au fermoir du projet, on ne s’étonne pas que celui-ci mêle les langues comme il brasse les formes. Le chant y côtoie le théâtre d’ombres, la musique de l’inséparable Yves Cerf y épouse le jeu des cinq fidèles comédiennes – Naïma Arlaud, Françoise Gautier, Nora Cupelin, Nataly Leduc et Yaël Miller. On y entend l’espagnol danser avec l’albanais, le portugais flirter avec l’hébreu dans une exaltation de la symbolique chorale. La bienveillance ruisselle et la solidarité féminine scintille comme le médaillon suspendu à la chaînette.

La simplicité des moyens répond ici à un choix autant qu’à une nécessité: de part et d’autre d’un castelet de bois garni par moments d’un rideau soyeux et aérien, les filles vont pieds nus, le sourire aux lèvres. Les voix sont chaudes et mélodieuses, les mouvements expressifs et gracieux. Interprètes, spectateurs et migrants interrogés au préalable, nous appartenons à une seule et infrangible famille, celle d’une humanité passant depuis la nuit des temps du rire aux larmes, de la souffrance à l’exultation.

Sur le plan artistique, la proposition paraît mincelette. Vient cependant la rehausser ce pari qu’elle relève par fulgurances: doter ses propres polyphonies, ses trouvailles théâtrales, ses embryons de chorégraphie des pouvoirs sacrés d’un grigri. «Amulette» deviendrait ainsi, par effet miroir, le porte-bonheur qu’on emporte avec soi, la bague offerte par l’aïeule.
«Amulette» jusqu’au 19 juin au Théâtre de la Parfumerie, www.laparfumerie.ch
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