
Genève, 6 mars
À propos de la votation du 12 mars sur le projet de plan localisé du quartier Bourgogne au Petit-Saconnex, ne vous fiez pas seulement aux renseignements fournis par la brochure officielle. Avant de décider, allez donc sur place. Vous découvrirez un lieu où souffle un esprit de liberté.
Loin de ressembler à une forteresse refermée sur elle-même, le village occupe un quadrilatère ouvert sur l’extérieur. On peut y pénétrer par quelques chemins, chaque maison a sa propre personnalité, certains jardins sont laissés à l’abandon, d’autres sont remplis de jeux, de cabanes, voire un bassin. Un champ de cactus bleus s’étale fièrement. On y respire l’air frais et la vie solidaire.
Que propose le projet? Construire quinze immeubles entre la rue de Bourgogne, la rue du Dauphiné, l’avenue Soret et la route des Franchises. Ils feront tous face à d’autres rangées d’immeubles. Ne laissant au centre qu’un espace étriqué en pleine terre. Sans parler des arbres qui seront arrachés, des animaux qui seront exterminés, cela ne ressemblera qu’à un pseudo parc, un leurre. Tout proche, de l’autre côté de la route des Franchises, un parc public accueille familles et promeneurs, mais il est un peu nu, il manque des espèces végétales et animales qui croissent dans le quartier Bourgogne.
Au lieu d’arborer de grosses affiches qui défigureraient les lieux, de petites photographies ont été apposées sur les haies. Elles illustrent la faune que le changement immobilier ferait disparaître en même temps que les résidents.
Qui vit actuellement dans ces 39 parcelles? Des propriétaires qui y ont passé toute leur vie ou des locataires heureux d’avoir trouvé un havre. J’ai rencontré, par exemple, de jeunes étrangers travaillant au CERN, contents de se trouver dans un quartier tranquille, avec une terrasse feuillue, si proche de leur emploi.
Et alentour, que pense-t-on de la proposition?
J’ai commencé par la HEAD, qui possède son Campus A à l’angle de la rue de Bourgogne et de la route des Franchises, et où, lorsqu’on lève les yeux vers le toit, on aperçoit Rooftop Meeting, une douzaine de sculptures inaugurées en novembre dernier, qui, selon l’artiste Simone Holliger, une ancienne étudiante, «peuvent être perçues comme des habitantes de l’école». Mais les étudiants ne semblent guère concernés par les projets dans leur entourage. Interrogé, l’un d’eux, qui lit sur la terrasse au soleil, ne sait pas de quoi il s’agit et ignore même où se trouve la rue de Bourgogne.
En revanche, un locataire d’un immeuble de la rue du Dauphiné se montre très inquiet. Il me permet de monter sur son balcon pour photographier la vue.
– Je ne verrai plus rien, que des façades, se lamente-t-il. Il me montre les arbres, et surtout, au loin, le Jura ! Et sur sa gauche, il m’indique que la rue de Bourgogne va prolonger la lignée des immeubles existants.
Du côté de l’avenue Soret, dont un secteur du nord est encore occupé aujourd’hui par quelques villas, elle est déjà destinée à la bétonisation complète. On ne peut plus s’y opposer. Bref, tout le contour est condamné aux immeubles de six étages. De nos jours, quand on est menacé par de toujours plus fréquents pics de chaleur, n’est-ce pas un crime que de supprimer cet îlot de fraîcheur?
Anne Cendre
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Lettre du jour – Allez voir la rue de Bourgogne!