Neutralité suisseAgression de Poutine: sans l’Europe nous sommes perdus
L’invasion de l’Ukraine par la Russie conduit à revoir la position suisse vis-à-vis de l’Europe et sa politique de neutralité internationale. La valse-hésitation illisible sur les bilatérales est complètement obsolète.
Ce billet est signé par un blogueur de la plateforme «Les Blogs» en partenariat avec la «Tribune de Genève». Il n’engage pas la Rédaction.

Gardons-nous des jugements anachroniques. Cela vaut autant pour les excès de la «cancel culture» où l’on va appliquer les critères d’aujourd’hui à des hommes du XIXe siècle, que pour les comparaisons avec ce que nos prédécesseurs ont fait quand la Suisse était encerclée par les forces de Hitler et de Mussolini.
Mais 80 ans après, avons-nous envie de faire de même, de n’aspirer à rien d’autre que de vivre tranquilles quand le monde va à vau-l’eau? À ce niveau, tranquillité rime avec complicité.
La situation est assez claire aujourd’hui. L’alliance atlantique est suspendue à la versatilité et à l’isolationnisme croissant de l’électorat américain; si les Républicains gagnent, dans un peu plus d’une demi-année, les élections de mi-mandat, tout peut être remis en question. Quoi qu’il en soit, l’Amérique aura fort à faire dans le Pacifique, et chacun sait que Taïwan est directement menacé du même sort que l’Ukraine.
Conclusion: l’Europe devra compter sur ses propres forces pour tenir tête à la folie impérialiste d’un dictateur pour lequel seul compte le rapport de force, allié de surcroît à l’impérialisme chinois. Tous deux se comportent en nouveaux empereurs, ont fait le vide dans leur pays et sont désormais seuls à commander à près d’un cinquième de la surface émergée de la Terre.
La fin d’une époque
C’est véritablement un tournant de l’histoire, et cette fin de février restera comme une césure, un changement d’époque qui ne nous dit rien de bon. La période ouverte voici 30 ans par la chute du Mur est définitivement close, et Poutine fait tout pour revenir en arrière, à l’intérieur de la Russie comme à l’extérieur, sur l’ensemble de ce qui s’est passé depuis, lorsque tant les territoires que les êtres humains ont commencé à desserrer l’étreinte après 80 ans de dictature du parti unique. Et un États indépendant depuis 30 ans, comme l’est l’Ukraine, se voit soudainement dénier le droit d’exister.
Le peuple ukrainien n’existe pas, déclamait Poutine dans son discours délirant du 21 février. Et même si le territoire de l’Ukraine n’était peuplé que de Russes, ils auraient parfaitement le droit de vivre autrement que ce que Poutine impose à sa population en Russie, qui n’est d’ailleurs pas composée que de Russes. Tout comme l’Autriche, où l’on parle allemand, avait tout à fait le droit de vivre une existence séparée de l’Allemagne - jusqu’à ce que Hitler y mette fin en l’annexant en mars 1938…
La prochaine provocation, la prochaine victime: les État Baltes. Et là l’OTAN et l’UE devront intervenir en direct, ces pays en étant membres; on sera au bord du gouffre. On peut constater en passant que si l’OTAN avait accepté parmi elle l’Ukraine, Poutine aurait peut-être hésité à l’envahir. Mais on n’avait probablement pas encore mesuré, ou plutôt pu mesurer, l’ampleur de son narcissisme meurtrier.
Et la Suisse dans tout ça
Il n’y a pas d’échappatoire: la Suisse doit maintenant mener une réflexion sans tabous sur la nature de sa participation à l’Europe, qu’il s’agisse de coordination des positions politiques, de défense et de sécurité collective, d’énergie ou encore de politiques économiques et sociales. La valse-hésitation illisible sur les bilatérales est complètement obsolète et il faut repenser fondamentalement le rôle que nous voulons occuper dans ce continent et la manière dont nous désirons y vivre.
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