Justice genevoiseAffaire des promoteurs: la procureure est récusée
La Chambre pénale de recours, saisie par deux prévenus, rejette la demande d’annulation des actes instruits par la magistrate.

Dans le procès dit «des promoteurs immobiliers», la Chambre pénale de recours (CPR) prononce la récusation de la procureure mais rejette la demande d’annulation des actes instruits par la magistrate.
La CPR informe avoir rendu ce mardi un arrêt prononçant, à la demande de deux prévenus, la récusation de Caroline Babel Casutt dans la procédure, actuellement pendante devant la Chambre pénale d’appel et de révision.
Rappelons que les avocats de la défense avaient dénoncé en début d'audience d'appel que des écoutes illégales avaient eu lieu. C'est notamment sur cette question que la CPR a planché. Selon elle, «la surveillance secrète, ordonnée par la procureure sur les raccordements des deux prévenus, entre mars et juin 2014, l'a été conformément à la loi et a été validée par le Tribunal des mesures de contrainte. Elle est donc licite.»
Le DVD de la discorde
La procureure a chargé la police de recueillir les écoutes téléphoniques et d'exploiter toute information pertinente. «Il s'avère, relève la CPR, que les DVD versés au dossier contenaient les conversations entre les prévenus et leurs avocats respectifs, ainsi que des transcriptions de certaines d'entre elles. Alors qu'elle avait été informée que les prévenus avaient des conversations avec leurs avocats, la magistrate n'a pas fait procéder à l'effacement de ces conversations, avant leur archivage (sur DVD), auprès du Service de surveillance de la correspondance par poste et télécommunication (SCPT), ni n'a, à réception des DVD, pris les mesures pour en expurger ces conversations, de sorte que celles-ci se sont retrouvées à la procédure.»
«Cette succession de manquements constitue une violation grave des devoirs de la magistrate.»
Selon l'arrêt, la procureure n'a pas non plus remis les DVD au prévenu qui avait préalablement demandé copie du dossier de la surveillance secrète: «Cette succession de manquements, en lien avec la protection du secret professionnel de l'avocat et de l'accès au dossier, constitue une violation grave des devoirs de la magistrate, au détriment des deux prévenus. Elle a fait naître un doute légitime, dans leur esprit, que les conversations litigieuses avaient été exploitées dans la procédure.»
Des faits non établis
Pour ce motif, la procureure doit être récusée, «même s'il n'est pas établi qu'elle a ordonné l'écoute et la transcription des conversations entre les prévenus et leurs avocats respectifs, ni qu'elle aurait exploité les conversations couvertes par le secret professionnel de l'avocat.»
En effet, écrit la CPR, le Tribunal correctionnel a statué, de manière indépendante, sur la culpabilité des prévenus. Il appartient désormais à ces derniers de soulever leurs éventuels griefs quant à l'appréciation des moyens de preuve faite par ce tribunal, devant la Chambre pénale d'appel et de révision.»
Me Nicola Meier, un des avocats de la défense réagit: «Les inspecteurs écoutaient les avocats. La procureur le savait. Et elle n’a pris, au mieux, aucune mesure. Cette récusation cristallise l’importance fondamental du secret professionnel dans un état de droit, ainsi que les devoirs d’un magistrat. Lorsqu’un magistrat faillit aussi gravement à ses devoirs, il doit être écarté. C’est cela une récusation. Il y aura d’autres décisions à venir, d’autres récusations devront nécessairement suivre.»
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