Addax, la chute d'un fleuron pétrolier
L'arrestation de deux membres de la direction et la mise en prévention du groupe marquent les derniers épisodes d'un déclin entamé il y a plusieurs mois.

Addax Petroleum survivra-t-il au scandale de corruption qui le frappe de plein fouet ces dernières semaines? Sa mise en prévention comme personne morale par la justice genevoise et l'arrestation en mars de Yi Zhang (CEO) et de Guus Klusener (directeur juridique) sont les derniers épisodes d'un déclin entamé il y a quelques mois. Depuis le démarrage des investigations par le premier procureur de Genève, Yves Bertossa, les tensions et pressions seraient en tout cas très intenses à l'interne. «Discuter de l'enquête peut constituer une infraction pénale», avertissait le groupe deux jours après l'arrestation de leur CEO.
La direction a, de son côté, été contrainte à se réorganiser dans l'urgence. Dans un e-mail interne confidentiel, il apparaît que le comité de direction a été remplacé temporairement par un comité de gestion. Cette nouvelle équipe a pourtant intégré deux membres de l'ancienne. «Même s'ils n'ont pas bénéficié des malversations soupçonnées, ils ne pouvaient ignorer ce qui était en train de se passer», suspecte une source proche du dossier. Tout cela sans compter, le remplacement très rapide de Guus Klusener par un nouveau directeur juridique: Sébastien Van Roosmalen.
En ce qui concerne les deux membres de la direction emprisonnés, les demandes de libération provisoire déposées par leurs avocats ont finalement été acceptées la semaine dernière et les deux hommes ne dorment aujourd'hui plus à Champ-Dollon. Des mesures de substitution ont toutefois été mises en place pour éviter les risques de fuite et de collusion. Leur passeport confisqué, les deux hommes ont par exemple l'interdiction formelle de communiquer avec leurs employés.
A noter que Guus Klusener avait été interpellé au début du mois de mars directement dans un avion en partance pour Curaçao dans les Antilles (via Amsterdam) – une île où sa famille possède deux villas et où ce dernier préparait en 2016 avec son épouse les plans d'une troisième luxueuse demeure. «Mon client n'était pas en train de fuir, mais partait pour des vacances prévues de longue date», assure Me Vincent Spira, qui juge bien trop excessif la manière dont son client a été interpellé.
Lutte contre la corruption
Au-delà de ce chaos interne, l'avenir d'Addax Petroleum dépendra in fine des décisions prises en Chine. Plus précisément par Sinopec, son actionnaire principal. Le géant chinois du raffinage et de la chimie est confronté à une vague de scandales depuis plusieurs mois.
Les têtes tombent les unes après les autres, dont celle de son grand patron: Wang Tianpu. A la fin du mois de janvier, ce dernier a écopé de quinze ans de prison pour corruption. Fin mars, sur demande d'Interpol, trois autres dirigeants du groupe étaient interpellés en Indonésie pour soupçons de fraude dans un projet de terminal pétrolier dont le prix estimé tournait autour des 850 millions de dollars.
Dans un tel contexte, Sinopec est restée très discrète depuis l'arrestation de ses deux directeurs. Si nos tentatives de prise de contact sont restées lettre morte, «le géant chinois serait conscient de cette affaire en Suisse et mènerait sa propre investigation», affirme Bloomberg. «Pourquoi Sinopec ne se porte-t-elle pas partie civile pour se distancer de ce scandale», s'interroge un bon connaisseur du dossier qui craint que les Chinois ne finissent par tirer la prise et mettent un terme à l'aventure d'Addax Petroleum.
Cette hypothèse apparaît comme fort plausible puisque que la filiale genevoise a perdu de son éclat depuis deux ans. Payé au prix fort (8 milliards de francs en 2009), le groupe serait loin d'être l'investissement dont les Chinois avaient rêvé. La poule aux œufs d'or des premiers jours ne pond plus, à tel point que le groupe a dû couper dans ses coûts opérationnels en 2015. Au mois de septembre de la même année, la multinationale annonçait le licenciement de septante personnes, soit près d'un quart de ses effectifs.
Production en chute
Sur fond de chute des prix du baril, les ennuis ont commencé à s'accumuler dès la deuxième moitié de 2014. Au Nigeria notamment, pays qui représente la plus grande source d'approvisionnement en pétrole pour Addax Petroleum (environ 60%). Délais de construction non respectés, surcoûts croissants, les défis se multiplient sur place. Résultat: La production pétrolière s'effondre pour Addax Petroleum, passant de 160 000 barils par jour sous l'ère Jean Claude Gandur (son fondateur) à 90 000 barils aujourd'hui. Et rien ne laisse augurer d'une inversion de tendance, puisque la société a complètement gelé ses investissements depuis le mois de mai 2015 et a renoncé à se déployer sur de nouveaux sites de production… en attente d'un rebond du prix de l'or noir.
Autre société impliquée
A cela s'ajoutent des problèmes avec Kaztec Engineering Ltd. Indiquée comme filiale du groupe Chrome, un conglomérat fondé par le Nigérian Emeka Offor en 1994, cette société a signé des contrats avec Addax Petroleum – comme fournisseur unique – pour plus d'un milliard de dollars entre 2009 et 2014.
Si la transparence de leur attribution est déjà source de controverses, les investigations d'un site nigérian (Sweetcrude Reports) ont pu déterminer avec précision que cette entreprise a touché un montant total de 81,9 millions pour les projets Ofrima/Udele, soit l'un des deux versements douteux pointé par son ex-auditeur Deloitte (lire ci-contre). «Emeka Offor est serein, considérant qu'il possède les justificatifs de son travail et qu'il n'a donc rien à craindre de la procédure en cours à Genève», écrivent les enquêteurs d'Africa Energy Intelligence en citant des proches de l'homme d'affaires nigérian.
En Suisse, «l'instruction se poursuit», résume le Ministère public. Quant aux deux prévenus, «ils entendent désormais démontrer que les charges portées à leur encontre sont infondées», se contentent de commenter leurs avocats, «réservant, pour le surplus, leurs commentaires à la justice».
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