À Yalta, le soft power russe réunit les extrêmes droites européennes
Cinq ans après l'annexion de la Crimée par la Russie, le forum économique de Yalta attire les populistes européens.

Dans la foule des «amis de la Russie», en cette ensoleillée après-midi sur les bords de Crimée, Frank Creyelman affiche un sourire joyeux et complice. Figure du Vlaams Belang, parti de l'extrême droite belge toujours prête à défendre la Russie, il s'active dans les couloirs du forum international de Yalta. Un rendez-vous traditionnel depuis cinq ans et l'annexion en 2014 de la péninsule par la Russie.
Son intitulé, «Monde, Russie, Crimée », résume à lui seul l'objectif des organisateurs, à Moscou comme à Yalta: «Réunir ceux qui ont une vision différente du monde, loin de la globalisation libérale, plus proche de la géopolitique russe», explique Frank Creyelman, venu avec quatre hommes d'affaires belges prêts à investir en Crimée. Des investissements pour le moment interdits à cause des sanctions européennes. «Mais, en Belgique, je fais du lobbying contre ces sanctions. Les Russes le savent...»
Avec un certain sens de l'autodérision, Frank Creyelman le reconnaît: «ils ont invité les «usual suspects» comme moi!» A Yalta, depuis deux jours, ils sont ainsi plusieurs dizaines d'Européens comme lui à participer à ce grand exercice relationnel du «soft power» russe.
Dans les salles des panels de discussion, mais surtout autour des bars et buffets, le long des balcons surplombant de magnifiques vues sur la mer Noire, ils échangent avec leurs hôtes russes propos amicaux, cartes de visite, chopes de bières ou coupes de champagne.
Poutine en mentor
Entre les hommes politiques, se mêlent aussi quelques hommes d'affaires. «Pour le moment, nous ne pouvons rien faire ici à cause des sanctions. Mais nous nous tenons prêts!», assure un businessman autrichien qui préfère rester anonyme car il sait que tout contact pour des investissements locaux pourrait être puni à Bruxelles. À Yalta, certains se font ainsi discrets.
«Nous invitons tout le monde, pas seulement les partis d'extrême droite. Eux viennent. Les autres n'ont pas le droit…», ironise Maria Zakharova, la porte-parole du ministre des affaires étrangères russe, venue au forum. Dans son message d'accueil, lu par un de ses ministres, Vladimir Poutine a loué les «initiatives que nous pouvons lancer ensemble». Sans plus de détails. Officiellement, il s'agit de lancer des projets économiques non pas d'influencer débats et scrutins électoraux en Europe. «Mais, loin des investissements, le message est clair… Il s'agit de politique», insiste un politologue américain, rencontré au forum.
Réseauter les droites
«Je viens enrichir le réseau de contacts pour mon école de sciences politiques», se défend Marion Maréchal, l'ex députée du Rassemblement national et l'une des invités prestigieuses du forum. «Le nom, la marque Le Pen est très connu en Russie. Ils se souviennent de mes engagements contre les sanctions, de mes positions différentes dans le débat français. Ils invitent ceux qu'ils perçoivent comme de bons interlocuteurs pour eux.»
À côté d'elle, une autre femme politique attire toutes les attentions: l'Italienne Irene Pivetti, ex députée de la Ligue du nord. Elle a quitté le mouvement populiste et, présidente du nouveau parti Italia Madre proche de Sylvio Berlusconi, elle est candidate aux prochaines élections européennes. «Je ne viens chercher ici ni électeur ni financement», confie-t-elle à l'un des buffets.
«Je veux voir de mes propres yeux ce qu'est la Crimée, cœur des crispations entre Europe et Russie. Mais je ne suis pas dupe: les Russes veulent sortir de leur isolement et cherchent des gens nouveaux dans la politique européenne», reconnaît-elle avant de partir animer une table ronde. Autour d'elle sur le panel: des Européens mais aussi des Africains et des Sud-Américains. À Yalta, le soft power russe voit large.
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