Prix d’architecture (7/10)À Soubeyran, l’intelligence du vivant
Le bureau d’architectes atba a pensé une coopérative écologique et sociale à Vieusseux, main dans la main avec ses habitants.

Vigne vierge et chèvrefeuille s’installent depuis cinq ans sur la façade de la coopérative d’habitations sise au 7, rue Soubeyran. Nature et habitants se partagent les balcons rythmés par des stores en toile multicolores. Au pied de l’immeuble, la symbiose se poursuit. Le jardin et ses plantes locales accueillent insectes, hérissons, oiseaux et la terrasse d’un restaurant. Tout a été pensé pour accueillir la vie, s’intégrer tant au quartier qu’à son écosystème. Il y a des coopératives à Vieusseux depuis les années 1930; celle-ci est un archétype du modèle, adapté aux besoins du XXIe siècle.
«Habiter en coopérative ne signifie pas habiter en communauté. Les échanges sont favorisés, sans être obligatoires.»
Et conçu pour répondre aux envies de ses locataires. «Dès le premier coup de crayon, on a tout fait ensemble», explique Stéphane Fuchs, architecte du bureau atba. Habitué des coopératives, il a suivi le projet élaboré au fil de 140 séances de réflexions entre architectes et habitants. Résultat: de nombreux compromis, qui se matérialisent par des choix ingénieux et radicaux.
Lumière et circulation
L’un des points non négociables du cahier des charges a été le droit au soleil. Tous les appartements, qu’ils comportent une, trois ou six pièces, donnent de ce fait plein sud et sont agrémentés d’un balcon. Pensés comme une pièce supplémentaire, ces derniers sont aussi une zone tampon. Leurs stores empêchent le soleil de taper directement dans les salons, tout en modulant l’espace. Agencés en quinconce, mais non cloisonnés, ils forment de longs couloirs extérieurs reliant tous les appartements d’un même étage.

La circulation a également été au centre de la réflexion. «Habiter en coopérative ne signifie pas habiter en communauté», rappelle Stéphane Fuchs, «les échanges sont favorisés, sans être obligatoires». Il n’y a, par exemple, qu’une entrée et qu’un ascenseur pour trois montées d’escaliers, ce qui aide à rencontrer ses voisins. Et à limiter les coûts d’entretien.
Communs
De nombreuses pièces partagées sont disséminées dans l’immeuble. Au rez, une grande salle commune, parfois prêtée aux habitants du quartier et une plus petite, munie d’une bibliothèque et d’un piano. En sous-sol, un dojo, un atelier de construction, un économat, permettant d’acheter en gros des produits écologiques, et des locaux à vins et à légumes. Du gravier recouvre le sol de ces lieux d’entreposage, pour les garder tempérés.

Dans l’optique de pouvoir moduler les appartements, trois pièces supplémentaires sont mises à la disposition des locataires de «Soub 7». «Si un adolescent a envie d’avoir sa chambre, la famille peut la lui offrir, en louant l’un de ces espaces», commente Stéphane Fuchs. Pour combler les besoins de lits ponctuels, trois chambres d’amis sont mises à la disposition de tous.
Sur le toit, pergola, terrasse, cabanes à insectes et potagers communs jouxtent des panneaux solaires. «La végétation permet de tempérer le bâtiment. La chaleur de la ventilation est récupérée en toiture puis réinjectés dans les réseaux de chauffage et d’eau chaude», explique l’architecte.

«L’écologie a conditionné la conception du bâtiment», poursuit-il. L’immeuble répond aux normes de Très Haute Performance Energétique et sa gestion des eaux usées des WC est unique à Genève. Brevetée, elle permet, à l’aide de paille de vers de terre et de nombreux filtres minéraux, d’épurer et de réutiliser l’eau tout en faisant du compost. Le tout au pied de l’immeuble et sans odeur.

Côté isolation, la façade est constituée de caissons remplis de bottes de paille achetées à une ferme genevoise. Leur revêtement intérieur est fait de la terre d’excavation du chantier, celui extérieur de chaux. L’enveloppe est efficace: isolante et perspirante, elle absorbe l’humidité intérieure qui en sort, à l’extérieur.
Brut et durable
À l’instar de la paille, les matériaux utilisés lors de la construction de la coopérative sont biosourcés, les plus locaux possibles, et laissés bruts. Il y a du parquet dans l’ensemble de l’immeuble, ce qui réchauffe l’atmosphère. Les rampes d’escaliers sont en acier, simplement ciré. Les murs, en béton.

Ce parti pris esthétique a eu plusieurs avantages. En limitant les vernis et les peintures, la qualité de l’air est optimisée; les économies réalisées ont été investies dans les cuisines. En sapin, elles ont été réalisées par un menuisier; les plans de travail, en béton eux aussi, par un artisan maçon.
Ouvertes, elles donnent sur une pièce à vivre vitrée et lumineuse qui débouche sur le balcon. Les chambres sont, elles, orientées nord, pour rester au frais. La hauteur sous plafond est de 2 mètres 70, soit 10 à 20 centimètres de plus que les standards. La raison? Pouvoir se sentir à l’aise quand on dort sur un lit superposé, «un parfait exemple d’intelligence collective», conclut Stéphane Fuchs.
Cette opération est réalisée en partenariat avec le Département du territoire.
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