Théâtre Am Stram GramÀ pleine voix, retomber en enfance
La géniale Cie des 3 points de suspension embarque pour «L’Âge d’or», une croisière transgénérationnelle en trois escales. Premier épisode: «L’Arrière-pays» des jeunes années.

Ils sont intarissables, les petits prodiges que fédère Nicolas Chapoulier au sein du collectif 3615 Dakota, alias la Cie des 3 points de suspension. Un poil immodérés, avec leur double nom à rallonge, mais rien que ne compense la parcimonie de leurs moyens.
Leur stock d’accessoires se résume en effet à peu de chose: paillettes, justaucorps, nounours géants, fleurettes, toisons, fumigènes, musique hawaïenne – un fonds de commerce qu’ils réutilisent de création en création, de «Looking for Paradise» à «Hiboux», en passant par «Squash». Avec à chaque fois, bien sûr, des idées de génie en pagaille.

On vous gâcherait le plaisir d’aller explorer «L’arrière-pays» par vous-même si on vous révélait la trouvaille sur laquelle repose intégralement ce premier épisode de «L’Âge d’or». Sachez seulement que l’effet immersif de ce voyage au pays du Neverland cher à Peter Pan est saisissant. Simple comme bonjour, quoique complexe à fignoler, le subterfuge mis en œuvre bluffe au point d’étourdir. En lorgnant du côté des techniques cinématographiques, le spectacle plonge dans l’enfance plus efficacement que tout album photos, ou que toute madeleine de Proust.

Dans le foyer du théâtre, Paul (Courlet), 52 ans, accueille son public (dès 6 ans) en costard-cravate. Par l’entremise d’Ève (Chariatte), il terminera son discours une frite plantée dans chaque narine, sa cape de protection recouverte de peinture et de spaghettis, un masque de Scream en pâte à gâteau sur le visage et des bougies fixées sur le sommet du crâne. Une poignée de gags de mioches pour aider ceux que nous étions à franchir le seuil de la salle, où plane l’atmosphère irréelle d’une cinquième dimension.

Maud Jégard et Beauregard Anobile rejoignent sans attendre nos hôtes sur scène, au milieu d’un océan de peluches. À leurs côtés, invisibles cependant, il faut leur ajouter une douzaine de petits Adam, Mila, Eneas ou Effie, qui, tous ensemble, abordent à leurs façons les notions d’âge, de vieillesse, de mort même, ou de jeu. Soumis au préalable à des questions telles que «as-tu l’impression que les adultes te cachent des choses?» ou «est-ce que quand on devient grand on quitte l’enfance pour toujours?» leurs réponses ne peuvent pas sonner faux.

Car, contre toute attente, le délire de 3615 Dakota s’ancre bien dans l’enquête sociologique. Et il en ira de même pour les deux prochains volets de cette trilogie «Être/Devenir/Avoir été» qui, avant d’aboutir au troisième âge, s’arrêtera prochainement sur la période de l’adolescence, à l’occasion d’un rite de passage organisé dans l’espace public. De quoi combler les vœux transgénérationnels du nouveau maître d’Am Stram Gram, Joan Mompart.
«L’Âge d’or» jusqu’au 18 juin au Théâtre Am Stram Gram, amstramgram.ch
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