Genève internationaleÀ l’ONU, le français éclipsé par l’anglais
La «perte de vitesse» de la langue de Molière au sein des instances onusiennes faisait l’objet d’un débat organisé par le Club suisse de la presse.

«Aujourd’hui, on va parler en français», sourit Pierre Ruetschi. Le directeur exécutif du Club suisse de la presse n’apporte pas cette précision par hasard. Ce jeudi, au domaine de Penthes, le débat avait pour thème la question suivante: la langue française est-elle menacée d’extinction à l’ONU? Pour y répondre, quatre intervenants, tous en poste auprès du siège des Nations Unies à Genève.
Que le français – langue historique de la diplomatie – ne soit plus le langage de référence dans les relations internationales n’est pas un scoop. La mondialisation a fait son œuvre. À l’ONU, les règles sont restées inchangées. On doit s’exprimer dans une des six langues officielles que sont l’arabe, le chinois, l’espagnol, le russe, le français et l’anglais. «Mais dans les réunions informelles, l’anglais est bien plus employé que les autres langues, dont le français», rapporte Jérôme Bonnafont, ambassadeur de France aux Nations Unies.
Retards de traduction
Ce n’est pas anodin. Les négociations se mènent véritablement dans ce genre d’échanges. Et comme, en fin de compte, l’anglais se trouve être la langue maternelle de peu de monde, il y a parfois «des malentendus». «Cela crée des tensions», raconte Jürg Lauber, représentant permanent de la Suisse. Jérôme Bonnafont relève, en outre, qu’un système qui se veut multilatéral mais ne s’appuie que sur une seule langue risque de devenir «illégitime».
Jürg Lauber pointe une autre conséquence de ce déséquilibre: un «retard critique» dans la traduction de documents dans d’autres langues que l’anglais. Et cela, c’est «un problème», concède la directrice de l’information de l’ONU à Genève, Alessandra Vellucci. «Le français est la langue parlée dans des missions de maintien de la paix, puisque plusieurs d’entre elles ont lieu dans des pays francophones en Afrique», note-t-elle. Une interprète, présente dans le public, déplore que les profils anglophones soient plus recherchés.
Monde francophone en plein essor
La langue de Shakespeare prédomine aussi dans le champ de la communication. «On n’a pas le budget pour que la communication soit faite dans toutes les langues», explique Alessandra Vellucci. Mais des efforts sont à relever. Elle en cite deux: un nouveau site web complètement bilingue et un compte Twitter en français – qui connaît un succès fulgurant.
Pour Georges Nakseu Nguefang, qui représente l’Organisation internationale de la francophonie, les nouvelles technologies sont motif d’«espoir», par exemple dans le domaine de la traduction et de l’interprétation. Il rappelle que le nombre de francophones est en hausse: +7% en quatre ans pour atteindre 321 millions de locuteurs dans le monde. Un chiffre qui pourrait doubler d’ici à 2060.
Théo Allegrezza est journaliste à la rubrique Genève. Il couvre en particulier l'actualité politique de la ville de Genève. Auparavant, il a été correspondant freelance au Tessin. Diplômé de Sciences Po Paris.
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