Festival AiiAÀ la rencontre de Chimère, robot en résidence artistique
Jusqu’à la fin du mois, le Théâtre Saint-Gervais se fait le hub de l’intelligence artificielle.

AiiA. Un long cri de douleur? Plutôt le nom d’un tout nouveau festival genevois, composé à partir des acronymes anglophone (AI) et francophone (IA) de cette intelligence artificielle en passe de conquérir un à un tous les secteurs de la société, de la culture et de nos vies. Artificial Intelligence International Arts, donc. Que l’innovation numérique cause de la souffrance, comme l’ont fait la photographie ou la vidéo avant elle, c’est précisément ce que tentent de prévenir, voire de guérir, les organisateurs de la manifestation qui assiégera dès vendredi le bâtiment de Saint-Gervais. «Nous voulons arracher le débat sur les technologies des mains des technocrates, insiste Jonathan O’Hear, son directeur artistique. Le moment est venu de s’emparer de la question en tant que simples individus.» Et en l’occurrence, en tant qu’artistes.
Carotte en cours d’apprentissage
Pour ces derniers, l’informatique n’a représenté dans un premier temps qu’un outil de plus à leur disposition. Un jour, sans doute, on pourra considérer la machine comme une artiste à part entière. On n’en est pas là: «Pour le moment, et c’est déjà beaucoup, elle constitue une entité non humaine, une sorte de carotte en moins biologique, qui fait l’apprentissage de l’intelligence», précise O’Hear. Or, comme telle, elle peut déjà prétendre au statut de collaboratrice artistique, voire de «muse». Le pionnier AiiA entend le démontrer, tout en explorant les implications éthiques, philosophiques, sociologiques ou politiques qu’entraîne cette réalité.
«Les résultats que génère Chimère en flux continu sont fascinants, y compris dans l’absurde.»

Depuis le 20 septembre dernier, le compositeur Brice Catherin, l’écrivaine Cléa Chopard, le metteur en scène Joël Maillard, l’improvisatrice Maria Sappho et la «pianicelliste» hybride Mariabrice Sapphocatherin conversent donc avec Chimère, en vue de la «développer». Doué d’un «réseau neuronal multimodal», le robot est capable de chatter avec ses interlocuteurs par la voie de textes, d’images et de sons partagés à l’écran. «Les résultats qu’elle génère en flux continu sont fascinants, y compris dans l’absurde. Je lui ai même demandé de contribuer à mon intervention pour la conférence de presse! Quoique têtue, Chimère réagit différemment selon que l’on se montre empathique ou injonctif avec elle», constate notre passionné, convaincu qu’un échange avec l’IA pourrait aider l’humanité à communiquer avec le monde qui l’entoure de façon «moins anthropocentrée».
Pistes de réflexion d’intérêt général
On le pressent, le rendez-vous appelé à s’annualiser ouvre de formidables pistes de réflexion. Concrètement, le festival bilingue anglais-français imbrique exposition, conférences, performances et ateliers – dont un, toute la journée samedi, accessible aux enfants de 5 à 7 ans. Les productions plastiques, sonores, performatives et «imprévisibles» issues de l’interaction entre les artistes en résidence et Chimère s’exhiberont un peu partout dans l’immeuble tout au long du week-end. On y feuillettera par exemple le recueil des œuvres chimériques, d’une centaine de pages à ce jour. Une sélection de films abordant l’intelligence artificielle depuis 1927 sera projetée samedi à 18 h. Pas moins de sept tables rondes donneront la parole à des intervenants de toutes disciplines. Puis, dès lundi, le «grand laboratoire de recherche artistique et philosophique» bourdonnera sur un rythme plus léger jusqu’à la fin du mois, en attendant qu’AiiA devienne peu à peu un cri de ralliement.
AiiA Festival, 15-17 oct., Laboratoire d’art et d’intelligence artificielle jusqu’au 31, Théâtre Saint-Gervais, www.saintgervais.ch, www.aiiafestival.org
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