Quelle est votre place préférée? (5/8)À Champel, se perdre dans un labyrinthe de verdure
Quand la place se réinvente: autour de la gare du Léman Express, on joue à cache-cache dans un dédale végétal ou on prend soin de soi dans des échoppes bobos.

Une séance de yoga suivie d’un jus de fruits, à moins que vous ne préfériez un verre de champagne naturel et une assiette de tapas. Sur l’esplanade qui domine la gare du Léman Express, des échoppes rivalisent d’originalité pour attirer le passant, voyageur du Léman Express ou habitant du quartier. À d’anciennes adresses, la boulangerie, le kiosque à tabac, le commerçant n’est pas moins ravi du nouveau visage du quartier, totalement relooké avec l’arrivée du train.
Au-dessus de la gare, cette promenade bordée d’échoppes et de terrasses offre une respiration dans la ville. «On vient souvent ici, c’est calme, et il y a beaucoup de verdure», expliquent trois employées de la Haute École de travail social, durant leur pause café, attablées à la terrasse de la boulangerie. Ce tronçon de l’avenue Alfred-Bertrand est devenu totalement piéton, alors qu’un autre (le prolongement de l’avenue Dumas en tournant à droite) est limité à 20 km/h. La rue ressemble tant à une esplanade, recevant d’ailleurs le marché le jeudi matin, qu’on n’en oublierait presque qu’une voiture peut encore débouler.

135 chênes
Ce n’est pas vraiment une place, mais l’originalité des lieux provient aussi des îlots de verdure qui forment un ludique labyrinthe autour de la gare de Jean Nouvel. Cet espace a été conçu par Bureau, association des architectes urbanistes Leopold Banchini et Daniel Zamarbide, suite à un concours remporté en 2013. Le concept? Créer une petite forêt au cœur de la ville. Un «sous-bois», selon le terme des architectes, qui se veut une accentuation de l’espace vert que constitue le plateau de Champel.
Les îlots sont constitués de 135 jeunes chênes de six variétés différentes, au pied desquels sillonnent des chemins tout en courbes. L’ambiance est ludique. Les enfants peuvent facilement jouer à cache-cache, tandis que l’enchevêtrement de passerelles, d’escaliers et d’escalators qui plongent dans la gare donne un air de mystère au lieu. Autant d’entrées dans une pyramide moderne, qui semble avaler ceux qui s’y aventurent. Quelque dix bancs arqués, en bois de frêne, servent de refuges dans cette jungle de verdure, de verre et de bitume.

Vu du ciel, le labyrinthe végétal est très graphique. On se rend compte aussi que ce triangle vert a retrouvé des dimensions préexistantes, lorsque, au XIXe siècle, toute la zone était occupée par des marais, lesquels permettaient la culture de carpes. Fait amusant, une carte de 1812 montre le périmètre de ces marais, un trapèze qui correspond à peu près à la nouvelle zone de verdure qui entoure la gare.
À la nuit tombée, une nouvelle ambiance surgit du sous-bois. Le mystère se fait plus épais encore, sans toutefois inquiéter. Des rangées de loupiotes éclairent les allées, donnant presque un climat favorable à la tenue d’un bal musette. Il ne manquerait que des tables avec nappes à carreaux et un brin d’accordéon pour compléter le tableau. Ah mais non, on est à Champel, oublions la guinguette…
Au tabac du coin, qui reste ouvert tard le soir, le gérant apprécie la sérénité des lieux. «Ici, c’est vraiment très tranquille. Il y a du passage, mais pas de tintamarre, pas d’embrouilles. Toute cette verdure, c’est très apaisant.»
Il fait nuit. Du temple de verre surgissent quelques voyageurs tardifs du Léman Express, se dispersant dans les différents chemins du dédale de verdure. On se demande, avec amusement, si tous trouveront la sortie.

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