Il y a une chose que je déteste lors de la session de juin du parlement, c’est la chaleur. Dès que le mercure prend l’ascenseur et dépasse les 25 degrés, la simple idée de devoir enfiler ma veste de costume pour entrer dans le Palais fédéral – beaucoup moins frais que ses grosses pierres ne le laissent présager – me procure de premières gouttelettes de sueur sur le front.
Mais il y a une chose que j’adore lors de la session de juin du parlement, c’est la possibilité de plonger dans les eaux fraîches de l’Aar durant la pause de midi ou en fin de la journée. Je l’avoue, je fais partie de cette interminable procession de Bernois qui longent la rivière pour mieux la redescendre emportés par le courant. Et sous la Coupole, je suis loin d’être le seul.
«On peut croiser un parlementaire en maillot de bain sur les pelouses du Marzili – en contrebas du Palais – sans que cela ne surprenne personne.»
Un rapide coup d’œil dans les vestiaires du parlement suffit pour se rendre compte que l’activité est aussi prisée de bon nombre d’élus. Parfois, on distingue ici et là les fameux sacs étanches qui permettent de transporter ses affaires dans l’eau sans les mouiller. C’est là une chose assez unique au monde: en Suisse, on peut croiser un parlementaire en maillot de bain sur les pelouses du Marzili – en contrebas du Palais – sans que cela ne surprenne personne.
Moi-même j’en croise régulièrement. Des hommes et des femmes. Ils sont de gauche ou de droite, jeunes ou vieux, Romands ou Alémaniques. Élus au National ou aux États. On les voit seuls ou en groupe. Et ce qui est le plus incroyable dans cette histoire, c’est qu’à l’époque des réseaux sociaux et des smartphones collés à la main, jamais vous ne verrez ces images. Ici, ils sont de simples citoyens au milieu d’autres citoyens.
D’ailleurs dans cette foule, il y a aussi des procureurs, des hauts fonctionnaires, des ambassadeurs, des journalistes, des lobbyistes, des conseillers personnels, des chefs de communication; bref, tout ce qui fait la Berne fédérale. Et si jamais je n’ai croisé de ministres, j’ai l’impression qu’il pourrait eux aussi profiter de ce moment dans une certaine indifférence. En maillot de bain, même un conseiller fédéral redevient anonyme.
L’eau de l’Aar, secret élixir?
Alors j’en suis conscient, ce n’est pas parce que les interminables débats parlementaires sont parfois entrecoupés par un moment frais et aqueux que des solutions miracles vont surgir pour faire avancer le dossier européen, trouver un deal sur l’avenir des retraites ou assurer des mesures pour la lutte contre le changement climatique.
Mais quand même. Le simple fait que des élus de tous bords politiques, qui viennent de s’écharper sur des motions et des articles de loi, soient capables – le temps d’un plongeon – de mettre leurs différences politiques de côté pour rigoler ensemble et barboter me dit qu’il y a un espace pour s’écouter. Qui sait, le secret du consensus à la suisse se trouve peut-être quelque part dans les eaux fraîches de l’Aar.
Florent Quiquerez est journaliste à la rubrique Suisse depuis 2015. Spécialisé en politique, il couvre avant tout l'actualité fédérale. Auparavant, il a travaillé comme correspondant parlementaire pour les Radios Régionales Romandes.
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La rédaction – À Berne, la politique en maillot de bain, aussi
Dans la capitale, les journées les plus chaudes riment avec baignade dans l’Aar. Et cela vaut pour tout le monde, élus fédéraux compris.