Je me suis promenée récemment la nuit dans les rues de Berlin. Plus précisément dans une allée vivante de Prenzlauer Berg, quartier néobobo écolo de la capitale allemande où les Berlinois aiment faire la fête entre restaurants véganes, bars bondés et parcs transformés en clubs à ciel ouvert, malgré les restrictions sanitaires. Ce qui m’a frappée, en déambulant dans ces rues animées, c’est le manque de lumière. Les lampadaires faiblement éclairés, les établissements qui servent les clients aux lueurs des bougies ou des guirlandes colorées, les rares phares de vélos zigzagant sur les rails de tram.
Je l’avoue, l’obscurité m’a un peu déstabilisée, moi qui ai l’habitude de traverser de nuit mon village suisse, un lampadaire à chaque coin de quartier. Et couper à travers un parc berlinois dans le noir, autre étape de cette soirée festive, c’est avéré encore plus étrange.
«En Allemagne, environ 150 milliards d’insectes, principalement des papillons de nuit, meurent chaque année, attirés par la lumière des lampadaires.»
Cette obscurité cultivée a une raison. La capitale lutte depuis des années contre la pollution nocturne, véritable fléau qui détruit la biodiversité. En Allemagne, environ 150 milliards d’insectes, principalement des papillons de nuit, meurent chaque année, attirés par la lumière des lampadaires. Nourriture pour les oiseaux, pollinisateurs, ces êtres sont essentiels dans l’écosystème. Le problème, s’il existe aussi dans les campagnes, est particulièrement visible dans une métropole aux tours de bureaux éclairées et aux enseignes allumées vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
À Berlin, on est donc passé dans l’espace public à des LED aux lumières chaudes qui n’éclairent plus inutilement le ciel ou les arbres. Dans les parcs, on a installé des capteurs de mouvement et la lumière rougeâtre des rares lampadaires n’attire plus les insectes. Dans les îlots de verdure qui sont traversés par les migrations d’oiseaux au printemps et en automne, l’éclairage de nuit peut être réduit à certaines heures, voire carrément éteint.
Des expériences similaires ont lieu en Suisse. Mais à l’échelle d’une ville de presque 4 millions d’habitants, c’est autre chose. Les Berlinois, s’ils ne sont pas tous ravis, se sont en majorité habitués à cette nouvelle nuit. Comme partout, la ville a son taux de criminalité, et comme partout, certains quartiers et parcs, éclairés ou non, sont à éviter. La jeunesse qui poursuit chaque vendredi ses marches pour le climat applaudit les mesures.
L’énergie, un débat en Allemagne
Enfin, l’éclairage nocturne ne constitue certes pas le plus gros poste d’économie d’énergie, mais, à l’heure de la guerre en Ukraine et du débat allemand sur comment consommer mieux, les rues sombres ont ravivé dans la population le sentiment, tout au moins, de faire quelque chose. D’autant plus que Berlin est en train de remplacer par des éclairages à LED son patrimoine historique de 30’000 réverbères à gaz…
La nuit, sur les terrasses de Prenzlauer Berg, les insectes reviennent, c’est déjà ça.
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La rédaction – À Berlin, un voyage au bout de la nuit
La capitale allemande se veut à la pointe de l’éclairage nocturne. Un pas vers la biodiversité et l’économie d’énergie.