1867 La construction de l'Université est décidée
Les bâtiments des Bastions que l'État a prévu de rénover ont été bâtis de 1868 à 1872

Dans l'un des premiers numéros du Journal de Genève, on pouvait lire une lettre de lecteur envoyée par Charles de Constant (1762-1835), un Genevois qui voyait plus loin que les fortifications enserrant sa ville natale. Il racontait un rêve qu'il avait fait: une personne à qui il avait rendu service autrefois aux Indes lui avait légué cinq millions de florins. De cet argent, il voulait faire profiter sa patrie.
L'un de ses projets était d'une modernité stupéfiante: «J'achèterai le pré de M. de Vincy, à Montbrillant; j'y construirai un nouveau collège, et j'y placerai les établissements d'instruction publique, que mon comité jugerait convenable d'y joindre; le reste du terrain formerait une espèce de parc, qui entourerait les bâtiments; ce sera, disais-je, la nouvelle université.»
Charles de Constant avait imaginé le campus que Genève n'aurait jamais. Comme Calvin l'avait fait en installant le Collège dans un lieu bien aéré, en bordure de la cité du XVIe siècle, l'auteur de cette lettre insolite voulait sortir les étudiants de la ville. En choisissant les Bastions pour y ériger l'Université, l'État de Genève n'allait pas si loin que le défunt Constant. De la verdure existait pourtant aux abords des futurs bâtiments, grâce à la promenade des Bastions et au Jardin botanique qui s'y trouvait encore.
Les gagnants sont dans le jury!
En 1866, un concours architectural fut organisé en vue de doter Genève des locaux nécessaires à l'instruction supérieure (Université), à la Bibliothèque publique et aux collections scientifiques appartenant à la Ville de Genève (Musée d'histoire naturelle). Le coût du bâtiment central était fixé à 700 000 fr. et celui des deux ailes à 800 000 fr. Carl Vogt et Gustave Revilliod étaient au nombre des membres de la commission organisatrice du concours. Quant au jury, il comptait notamment Francis Gindroz et Joseph Collart, deux des trois architectes qui réalisèrent finalement les bâtiments universitaires. Comment en était-on arrivé là? Réponse: aucun des projets présentés au concours n'avait eu l'heur de plaire au jury. Francis Gindroz et Joseph Collart, en collaboration avec Henri Franel, reçurent alors mandat de s'inspirer des projets non retenus (!) pour réaliser les bâtiments souhaités par l'Etat et la Ville de Genève.
Vaudois de Vevey, Henri Franel allait réaliser peu après le monument Brunswick. Francis Gindroz, Vaudois lui aussi, avait déjà œuvré au square du Mont-Blanc et à la première gare de Cornavin. Le troisième, Joseph Collart, le seul Genevois de l'équipe, avait dessiné l'Hôtel Métropole en 1864. Votée en 1867 par le Grand Conseil, la construction de l'Université de Genève commença en 1868. L'emplacement choisi pour les trois bâtiments était situé entre le bastion d'Yvoi et le bastion Bourgeois, deux vestiges des fortifications dont la démolition avait été décidée en 1849. Le chantier donnait d'un côté sur le Jardin botanique, de l'autre sur la «nouvelle route tendant de la route de Carouge à la rue Saint-Léger» (future rue De-Candolle). Le quartier de Plainpalais était encore à bâtir. Le projet définitif s'inspirait du classicisme le plus pur.
Foule de curieux
La cérémonie de la pose de la première pierre eut lieu le 31 octobre 1868, immortalisée par une photographie conservée à la Bibliothèque de Genève (voir ci-dessus). On constate que certains murs étaient déjà sortis de terre. Une foule de curieux avait envahi le chantier sur lequel flottaient les couleurs nationales.
Caractéristique bien genevoise, c'est en râlant que le professeur Henri-Frédéric Amiel inaugura les nouvelles salles de cours en avril 1872: «Mon amphithéâtre est acoustiquement déplorable. On s'y époumone sans se faire entendre.» Il ajoutait, trois jours après, dans son Journal intime: «Ce bâtiment académique m'a toujours paru devoir être mon éteignoir et mon tombeau. Aussi je m'y traîne avec mélancolie et j'en ressors avec tristesse. Bref, toute cette boutique m'est à charge.» Son vrai tombeau l'attendait en 1881.
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